Embrouilles, magouilles et débrouille

C'est un film que je trouve très "habité". Les personnages, les décors, les objets, "habitent" littéralement l'écran. A tel point que l'on se sent en immersion totale dans les rues du 18e arrondissement de Paris ; à cela il faut ajouter un duo d'acteurs qui se complètent très bien tant leurs caractères opposés en font un duo sympathique et attachant. Entre le "jeune" qui monte à Paris, encore candide qui ne croit qu'aux règles et aux procédures, et le "vieux" brisecard" qui a tout appris sur le terrain et connait toutes les combines, il y a une alchimie qui s'opère et une amitié qui s'établit entre les deux, chacun des personnages évoluant au contact de l'autre.

De plus, tout le film est conçu comme une profonde immersion au cœur des rues de la capitale. Mais pas comme le ferait un touriste qui se serait paumé là par hasard, non, au contraire, à la manière d'un sociologue qui dresserait un tableau de la population parisienne. On est ici au cœur du Paris "invisible", du Paris "populaire" dans ces quartiers souvent boudés des guides touristiques, on y croise - on y fréquente même - les prostituées, les dealers, les indics, tout ce petit milieu interlope à mille lieues des quartiers guindés et de la bonne société. On y suit le quotidien d'un commissariat de quartier et le travail de policiers qui, jour après jour, tentent de faire de leur mieux pour sécuriser et tranquilliser la vie des habitants. Ce genre de commissariats où l'on traite moins de "grandes affaires" médiatiques que de procès verbaux ou de mains courantes où il est plus question de petits commerçants véreux que de gros parrains en collusion avec le pouvoir.

Les Ripoux, c'est un film vrai, solide et réaliste. Un film qui montre le Paris, tel qu'il était au cœur des années 80, loin des artifices médiatiques et des apparences. C'est une comédie à la fois sociale, drôle par moments et pleine d'émotion quand il le faut. Le tout porté par l'excellente B.O de Francis Lai, interprétée à l'accordéon - instrument emblématique de Paris - et tellement représentative de la vie parisienne depuis l'avant-guerre et à laquelle viennent harmonieusement s'ajouter des notes très jazzy pour composer au final une mélodie à la fois très française et en même temps digne des films de la série noire.

Dans la filmographie du réalisateur, "Les Ripoux" est certainement son métrage le plus abouti, le plus vrai et le plus intime ; une authentique comédie policière à la fois drôle et touchante aux accents mélancoliques et où l'on apprend beaucoup plus sur la société de ce temps que dans n'importe quelle étude journalistique.

Un film nécessairement à redécouvrir et à apprécier sans modération.