Qu’il plaise ou non, qu’on le juge trop versé dans le cliché et ternissant le vrai visage des habitants des banlieues ainsi que de la flicaille, Les misérables reste un film qui amène à nous poser de vraies questions de fond sur nos sociétés modernes.


Tout d’abord il y a le statut de l’enfant. Peut-on dans ce milieu si néfaste où les parents désertent leurs tâches éducatives et où les figures de références du quartier sont des trafiquants ou des intégristes, leur faire porter le poids de leurs actes ?


Quand aux policiers, peut-on leur reprocher de s’être endurci l’âme tant cette haine et ce mépris envers eux s’immisce dans tout les regards ?


Il n’est pas surprenant que le policier fraîchement arrivé de province nous soit le plus sympathique même si à cause de sa gentillesse, il s’en ramasse bien plus que les autres. Il n’a pas encore eu le temps d’être dévoré par la détestation. Comme nul n’est prophète en son pays, celui-ci a encore assez de clairvoyance pour comprendre que ses collègues ont glissé dans le vice de cette cité ou l’intimidation, la violence et le crime sont us et coutumes.


La situation quant à elle offre un dramatique quiproquo. Les policiers recherchent un lionceau volé dans le cirque faisant halte dans le coin afin d’éviter un règlement de compte entre des gitans et les « patrons » du quartier. Quand les policiers parviennent à mettre la main sur l’auteur du forfait, un jeune garçon de quinze ans complètement laissé à l’abandon par sa famille, ceux-ci se font déborder par une bande de jeune qui les caillassent et hurlent à l’innocence de leur ami. La bavure arrive alors, un policier à bout tire à bout portant sur l’enfant qui tentait une énième fois de s’enfuir.


Dans un monde normal, la police aurait dû pouvoir intervenir sans devoir se faire déborder par des jeunes qui n’hésitent pas une seconde à s’en prendre aux forces de l’ordre. Dans un monde normal, un jeune a peur des conséquences de ses actes, il ne s’attaque pas aux forces de l’ordre de peur de finir en prison. Dans un monde normal, le seuil de tolérance de la police ne devrait pas être si élevé. Dans un monde normal, la police devrait représenter la justice et ne devrait donc pas profiter de son statut particulier pour exercer des abus de pouvoir sur la population.


C’est ce qui arrive pourtant lorsque rien n’est entrepris pour stopper le cercle vicieux dans lequel se trouve les protagonistes. Je ne vais pas faire ici de politique mais il est aisé de comprendre que cette dialectique de la haine, qui va de la détestation par principe de la police qui elle même devient détestable à l’apologie du crime comme étant le seul moteur de réussite, ne peut qu’aboutir au chaos.


Il n’y au fond que des victimes. Parce qu’aucun être humain placé dans ce quasi-état de nature ne peut garder sur le long terme assez de noblesse d’âme pour ne pas verser dans le vice.


Le final est une splendide lueur d’espoir au milieu de ce vide empathique. Il démontre que tout n’est pourtant pas perdu. Le jeune garçon pris dans la spirale infernale de la vengeance se retrouve prêt à lancer un cocktail molotov sur les trois policiers qui lui on défiguré le visage. Cependant il hésite. Car en face de lui se trouve ce policier encore étranger à ce monde et qui un jour plutôt avait été le seul à le traiter avec humanité.

Créée

le 14 mars 2021

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