Les Minions
5.4
Les Minions

Long-métrage d'animation de Pierre Coffin et Kyle Balda (2015)

Le bad buzz qui entourait la sortie du film et contrastait assez violemment avec la virulence du merchandising omniprésent concernant ses personnages principaux m'avait certes échaudé, mais il fallait néanmoins que je me fasse un avis, pensant naïvement que la catastrophe annoncée ne pouvait être aussi terrible.


Bien mal m'en prit. Ce spin-off des sympathiques Despicable Me 1&2 partait pourtant sur une idée qui semblait bonne. Les minions ne sont-ils pas ces adorables gags ambulants, stupides, rappelant leurs lointains cousins (et incroyablement supérieurs) Shadoks ? Sur le papier oui. En fond sonore dans les deux films sus-cités aussi. Mais à l'échelle d'un long métrage, c'est la cata. L'animation "à la française" qui se targue de rivaliser en qualité avec les américains (on ne parle pas des japonais, ils sont hors compétition) et fait de cet énorme succès au box office son fer de lance, ferait mieux de la mettre un peu en veilleuse devant l'inanité absolue de ce (trop) long métrage, qui n'est qu'une suite d'idées toutes les plus calamiteuses les unes que les autres. Pour vous épargner le fastidieux inventaire qui permettrait de démolir une bonne fois pour toutes cet objet insignifiant, je ne vais développer que ceux qui m'ont le plus particulièrement chagriné ou énervé.



  1. Les conditions de projection. Je soupçonne fortement l'UGC et probablement d'autres diffuseurs type "grandes chaînes nationales" d'avoir passé un accord tacite avec les producteurs du film pour pousser à fond le volume sonore lors des projections. C'était tout bonnement assourdissant, et comme le point 2. le développera, cela n'arrangeait en rien notre affaire, bien au contraire. A part ça, je l'ai vu en VF (après tout c'est un film "français") et pas en 3D. La voxographie est assez médiocre (Cotillard insupportable, entre autres, cf 2.) comparée (sur le papier) à la voxographie anglosaxonne (Bullock, Hamm...) et on devine les quelques saynètes conçues pour une 3D gadget et putassière.


  2. Les voix des Minions (et des autres personnages d'ailleurs). C'est affreusement criard, tous les personnages HURLENT TOUT LE TEMPS COMME CAAAAAA et sont absolument hystériques, le volume sonore (cf 1.) rendant le tout absolument insoutenable. On en sort lessivé et migraineux, et le jaune pétard n'aide pas à se reposer les yeux non plus. Depuis quand l'agitation vaine et systématique est un gage de rythme et de ressort comique bon sang ? Vous prenez les gamins pour des endives hyperactives en leur vendant ce film pour une comédie familiale. Et je me contrefous que le créateur des Minions double toutes ses créatures personnellement parce que leur langage babillard est absolument horripilant. Dans Despicable Me, c'était rigolo parce qu'ils ne disaient qu'un mot par ci, une onomatopée par là. Ici, personnages centraux obligent, et comme le film n'a pas le cran et l'intelligence de s'inspirer du burlesque traditionnel c'est à dire muet pour fonctionner, on leur fabrique un langage mi figues, mi raisins, c'est à dire ni trop articulé, ni complètement incompréhensible pour que les enfants puissent suivre et accessoirement rire quand ils reconnaissent un mot, généralement "Banana" (passe encore) ou une blague potache pipi-caca digne d'un enfant de deux ans. On glane un mot en français par ci, un anglicisme par là, parfois d'autres langues mais 99% du temps, ça tombe à plat et c'est très redondant.


  3. Le scénario abyssalement banal. Tout le maigre intérêt du film était dans sa bande annonce, à savoir la quête sans cesse recommencée d'un nouveau despote. L'idée était bonne et aurait du être le noyau du film, plutôt que d'être évacuée dans un prologue éventé à 80% par la BA. Le reste de l'histoire est du vu, revu, mâché, remâché, craché, vomi, chié dans nos gueules comme un énorme étron audiovisuel. Les personnages sont inconsistants, et je ne parle pas que des minions, les situations convenues, les gags peu inventifs et tombant à plat, le film mou du genou et ne reposant que sur une suite de rebondissements parfaitement gratuits et artificiels sur le schéma bêtise / catastrophe / BANANAAAAAA / course poursuite / bêtise / etc.


  4. L'hypocrisie de la chose. Les Minions, comme leur nom l'indique, sont des sbires conçus pour servir le Mal. Pour cela qu'ils cherchent des tyrans pour les exploiter. C'est à la fois des graines de violences et des êtres parfaitement stupides, interchangeables, et dont la vie n'a aucune importance, de la chair à canon. Comme les Lemmings dans le jeu du même nom, ou des Worms, ou des Piouz, etc. On aurait donc logiquement pu les voir dans des gags un peu plus osés et graphiques que "ouillouillouille aïeaïeaïe" et "hihihi hohoho" quand l'un deux tombe ou glisse ou que sais-je d'inoffensif et de parfaitement ennuyeux. Bref de la violence quoi. Alors oui, ce serait surement moins familial, mais rappelons juste que Tex Avery (ce génie) réussissait à faire des cartoons parfaitement visibles par des enfants tout en étant d'une remarquable cruauté ou violence envers ses personnages.


  5. La bande-son. C'est le point qui a le plus attisé ma colère. Normalement je devrais être ravi par ce best-of des années 66-73 où se mêlent Jimi Hendrix, les Kinks ou encore Donovan et les Stones. Mais leur utilisation dans le film est tellement stupide, cynique et vaine que ça m'a juste énervé. Comme si mettre de la musique cool de l'époque pour amadouer les parents allait marcher. Comme si balancer "You Really Got Me" sur une scène de kidnapping / piège était une bonne idée. Ou pire du pire, comme si utiliser "Mellow Yellow" de Donovan, sous prétexte qu'il dit "Yellow" et "banana" dans la chanson, tombait sous le sens. Cette chanson parle d'un vibromasseur (electric banana) et de masturbation de manière élégamment détournée pour échapper à la censure de l'époque, mai suffisamment explicite pour se tenir une réputation de pop song acidulée sulfureuse. Et je ne parle pas de l'horrible affront final fait au "Revolution" des Beatles en scène post générique, qui m'a fait quitter la salle en fulminant sous le regard ahuri d'un videur sans doute peu habitué à ce spectacle pour un film supposé ravir petits et grands.



Bref, je ne me suis pas amusé, j'ai très peu souri, j'ai perdu mon temps et j'ai surtout eu le sentiment quasi permanent qu'on me prenait pour un énorme abruti mais à priori consentant. Un viol cinématographique, en somme.

Krokodebil
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le 6 août 2015

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