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C’est la situation de départ qui m’a fait penser à la chanson des Beatles : voilà pour mon titre. Nous sommes en 1979, Jérôme (Jérémie Lippmann) et Carole (Soko) deux cousins d’à peine 20 ans (donc plus ou moins idéalistes, mais peut-être légèrement inconscients voire manipulés) s’envolent à destination de l’URSS. Ils participent à un voyage organisé et font croire aux autres participants qu’ils ont choisi une destination originale pour fêter leurs fiançailles. Excellente excuse pour quelques promenades de nuit à l’écart du groupe. En réalité, Jérôme et Carole viennent visiter des refuzniks (juifs persécutés par le régime soviétique pour avoir voulu fuir vers Israël). Ils se présentent comme des amis de France et apportent ce qu’ils peuvent (livres et denrées alimentaires, les jeans ayant été confisqués par les douaniers à l’arrivée), à des gens qui sont habitués à vivre assez chichement.

Jérôme et Carole visitent notamment Victor, un physicien dont la femme est passée à l’ouest depuis longtemps. A Odessa, le groupe est bien encadré par un homme qui incite Jérôme et Carole à la prudence. Que peuvent les autorités contre eux ? Difficile à estimer. Mais Carole n’en mène pas large après avoir réalisé quelques photos d’une arrestation lors d’une escapade nocturne. On constate alors combien la ville est sinistrée, même si les habitants profitent de leurs soirées, chacun à sa façon (avec souvent des références artistiques occidentales : Baudelaire, Schubert, Jim Morrison).

L’activité du groupe de touristes est partagée entre les visites le jour (l’inévitable grand escalier, mais sans landau) et des danses folkloriques le soir à l’hôtel. Là, Jérôme et Carole font la connaissance de Léon le con, c’est ainsi qu’il se présente, un garçon de 15 ans qui tue le temps comme il peut. Le pauvre accompagne ses parents, probablement des communistes convaincus lui ayant donné ce prénom en hommage à Trotski.

C’est probablement un hasard, mais le film est sorti le même jour que « The immigrant » de James Gray, le réalisateur de « Little Odessa » qui a ses origines profondes là-bas. Pas sûr que les deux films partent à égalité de chance vis-à-vis du public. Pourtant, ce film co-réalisé par Anne Weil et Philippe Kotlarski (co-production germano-russo-canado-française) mérite le détour.

La réalisation soignée s’appuie sur un scénario travaillé, un véritable travail sur le langage (Jérôme est nécessaire comme traducteur), un choix étonnant concernant les couleurs (dominante brun-acajou qui donne une belle ambiance rétro tout en intégrant très naturellement le rouge de la coloration politique : l’URSS de l’ère Brejnev) et des personnages attachants malgré leurs contradictions et leurs doutes (casting intéressant avec des têtes peu vues et des acteurs qui construisent bien leurs personnages). On réalise notamment que Carole et Jérôme n’ont pas les mêmes motivations, pas les mêmes caractères non plus. Un soir, ils vont sortir séparément, ce qui ne sera pas sans conséquences.

Très autobiographique (souvenirs d’Anne Weil), le scénario est crédible mais souffre d’une thématique très riche dont il était difficile de rendre parfaitement compte en 1h35. Ainsi, la situation des refuzniks est présentée mais pas approfondie (historique, raisons des persécutions, etc.) de même que l’aspect religieux, l’appartenance à la communauté juive. Le scénario joue avec les non-dits mais prend le risque de laisser le spectateur non averti un peu à côté de certains points. Parmi les rebondissements, une intervention de Léon manque singulièrement de crédibilité. Léon est le seul compagnon de voyage de Jérôme et Carole auquel le film s’intéresse. Petit regret là aussi.

Comme beaucoup (des millions), Victor voudrait fuir l’URSS. Seul, il a rédigé des notes à l’intention de sa femme. A l’ouest, on aimerait bien les publier à titre de document révélateur des conditions de vie derrière le rideau de fer. L’épilogue en Israël (10 ans plus tard, au moment de la chute du mur de Berlin) apporte un éclairage nouveau sur le titre du film. On savait que Carole y avait séjourné pendant des vacances. C’est là que Victor vit désormais. Jérôme est invité…

Le discours de Victor présente un aperçu de l’humour juif. C’est assez grinçant. A l’entendre, croire qu’ailleurs l’herbe est plus verte est un leurre. L’essentiel est de pouvoir continuer de rêver. Un premier film à ne pas négliger, à une période où certains regrettent le calibrage d’œuvres destinées avant tout à plaire au plus grand nombre.
Electron
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le 28 nov. 2013

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