Cette épopée urbaine scandée par la musique de Morricone (qui compose notamment une sorte de marche virile dont il a le secret) doit beaucoup à la mise en scène percutante de Brian De Palma qui imprime sur chaque personnage une densité dramatique en jouant entre la violence, le sang et l'odeur de mort. Il multiplie coups de théâtre, fusillades, morceaux de bravoure et scènes choc, telle la fameuse scène de la gare, filmée de façon stylisée au ralenti afin d'en atténuer la violence, ainsi que celle où Al Capone massacre un type à la batte de base-ball lors d'un banquet ; cette scène arrive si soudainement qu'elle frappe par sa violence crue et viscérale.
Le film qui rend non seulement un hommage à l'une des séries mythiques de la télé américaine (ici on assiste à la genèse de l'équipe formée par Eliott Ness), propulsa littéralement Kevin Costner au rang de star en 1987, auparavant il n'avait eu que des rôles secondaires, tandis que Sean Connery raflait un Oscar pour son rôle de vieux briscard. De son côté, De Niro (grossi de 15 kg et sapé par Armani) se régale dans ce rôle de gangster qui se pavane devant des journalistes et pousse sa manie du détail jusqu'à porter des caleçons en soie comme en portait Capone ; quasiment habité par le rôle, il personnifie un mafieux odieux au charme vénéneux et pervers. Le reste du casting est excellent, que ce soit Andy Garcia qui trouvait là un de ses premiers grands rôles, Charles Martin Smith avec sa bonne bouille à lunettes qui est l'attachant penseur de ces incorruptibles, ou encore Billy Drago qui campe un Frank Nitti cruel et glaçant. Le faciès de cet acteur lui vaudra d'ailleurs des rôles similaires où il sera toujours très bon. De Palma réussit donc un véritable opéra sanglant en insistant sur la personnalité de ces incorruptibles, et pousse la reconstitution du Chicago des années 30 à la perfection. Du grand cinéma !