La belle critique de @carolectrice du film de David Lean tiré d'un roman de Dickens que je ne connais pas m'avait fortement intrigué et intéressé. Dickens est un auteur que je n'apprécie pas toujours : j'ai beaucoup aimé "David Copperfield", "Oliver Twist" et "les contes de Noël", beaucoup moins "Bleak House" et "les papiers du Pickwick Club" où je me suis franchement ennuyé. Après avoir vu le film "les grandes espérances", je subodore que le roman est du genre de ce que j'aime bien chez Dickens. Affaire à suivre.
Le film se situe dans la pleine période anglaise des débuts de David Lean après "Brève rencontre" ou "heureux mortels" ou encore "Madeleine"
S'il fallait que je résume le film, je pourrais dire que c'est l'itinéraire (pas loin du parcours initiatique) d'un petit garçon orphelin, Pip, qui rend, un jour, un petit service à un forçat évadé et qui va voir peu à peu sa vie se transformer jusqu'à l'âge adulte. Mais cette définition trahirait le foisonnement du film à chaque étape marquée par la découverte de personnages tour à tour bienveillants ou malveillants dont il va découvrir peu à peu les différentes facettes. Ce serait aussi oublier cette histoire d'amour entre Estella et Pip qui est un véritable fil rouge dans le film et qui semble vouée à l'échec.
La mise en scène, limite fantastique, est très réussie comme la "vigoureuse" rencontre de Pip avec le forçat dans un cimetière par temps de tempête ou encore la première rencontre de Pip avec Estella dans la maison étrange et pourquoi pas maléfique de Miss Havesham.
On sent que David Lean s'est aussi largement inspiré des obsessions – presque maladives – de Dickens face à une justice anglaise très bureaucratique et tatillonne si j'en juge les descriptions de l'étude – bordélique - de Jaggers et de sa façon tortueuse d'examiner la situation de ses clients ou de ce qu'on voit du procès à la fin où la messe semble dite.
La distribution n'est pas en reste avec John Mills dans le rôle de Pip adulte qui montre la complexité de son personnage entre le dandy parvenu mais capable de retrouver son âme d'enfant ou de regretter ses petites lâchetés.
Jean Simmons jeune (17 ans) est – évidemment – superbe dans son rôle énigmatique d'Estella dont on comprend qu'elle a été élevée par Miss Havesham pour séduire puis briser les cœurs. La mise en scène de l'actrice est une féerie. Comment Pip aurait-il pu ne pas tomber dans le piège ?
On peut peut-être regretter que l'actrice Valerie Hobson (je ne connais pas) qui joue Estella adulte soit moins resplendissante mais elle fait tout-à-fait le job et les scènes de séduction ou de bal sont très réussies.
C'est avec grand plaisir qu'on découvre Finlay Currie dans le rôle du forçat. C'est un acteur qui a une (sacrée) gueule mais surtout une présence importante dans ses rôles qu'il soient des péplums ou des films historiques ou de cape et d'épée. Sa scène de première rencontre de Pip est d'anthologie.
Autre découverte, cette fois amusante, c'est Alec Guiness qui n'en finira pas encore avec David Lean avant de finir comme Obi-Wan Kenobi. Ici, il est tout jeune (c'est son deuxième film) et sa relation avec Pip va évoluer vers une grande amitié. Les conseils discrètement dispensés à Pip pour se tenir correctement à table sont juste délicieux.
Encore un grand film de David Lean que j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir. Reste à lire le roman qui promet encore de grands moments.