"It's a world the other world will never know. Even the Air Force. Up there, ...

... they approach death differently. When they die, they're clean-shaven, well fed, if that's any comfort. But the G.I., well, he lives so miserably and he dies so miserably."


Samuel Fuller disait de The Story of G.I. Joe qu'il s'agissait selon lui du film produit sur la Seconde Guerre mondiale par les États-Unis le plus adulte et le plus authentique. On pourrait compléter en rajoutant que William A. Wellman réalise ce film en 1944, à une époque où son pays est très fortement impliqué dans le conflit (ce qui pourrait conduire à l'assimiler à de la propagande), en faisant jouer beaucoup de soldats américains rescapés du front européen en permission, aux côtés de quelques acteurs dont un tout jeune Robert Mitchum, alors qu'un grand nombre mourra quelques mois plus tard dans le Pacifique. Au même titre que le correspondant de guerre Ernie Pyle interprété par Burgess Meredith, tué peu de temps après la sortie du film et après avoir reçu le prix Pulitzer, lors de la bataille d'Okinawa au Japon. Le plus marquant dans tout ça, c'est l'incroyable maturité de Wellman et l'incroyable recul dont il fait preuve pour mettre en scène la progression d'une unité d'infanterie, dans un premier temps en Afrique du Nord, puis du côté de l'Italie avec la célèbre bataille de Monte Cassino.


En adoptant le point de vue de Pyle, la guerre est retranscrite comme un témoignage qui aurait collecté différents points de vue sur le terrain, au plus près des soldats. De manière très étonnante pour l'époque, on s'éloigne de tous les canons propagandistes pour rester dans une captation particulièrement terre-à-terre, en alternant entre les phases de déplacement loin des combats et les épisodes de combats — que ce soit en territoires urbains, avec notamment cette évolution dans les décors d'une cathédrale en ruine évoquant certains passages de la fin de Full Metal Jacket, ou sur des terrains plus conventionnels, avec sollicitation de l'artillerie et expositions de conditions intenses. Dans sa description éloignée des clichés diabolisant l'ennemi et dans sa tonalité désabusée d'un regard froid sur la guerre, Les Forçats de la gloire se rapproche d'un autre film de Wellman qui sortira quelques années plus tard, Bastogne.


Aucune trace d'antimilitarisme bien sûr, et sans aller jusqu'à parler d'une approche documentaire, le film frappe par son haut degré de réalisme que ce soit pour évoquer l'attente pénible des hommes (en se focalisant sur quelques points, la faim, le manque de nourriture digne de ce nom, l'absence de femmes, et quelques lubies à l'image du tourne-disque qu'un soldat tente inlassablement de réparer pour écouter un enregistrement envoyé par son épouse avant de sombrer dans la folie) ou pour illustrer la pénibilité des avancées en territoires ennemis. Très étonnant de voir Wellman, ambulancier puis aviateur, dédier son film à l'infanterie en montrant le quotidien douloureux des sans-grades piégés dans la boue, un élément important du dernier segment du film, avec quelques références au luxe des membres de l'US Air Force qui eux meurent en restant propres. Un film dépourvu de lyrisme, constamment pragmatique, pudique dans l'émotion et la douleur, jamais complaisant avec la violence qu'il met en scène, avec quelques très belles scènes — parmi les plus marquantes, celles où la radio nazie tente de séduire les jeunes soldats américains avec une voix suave féminine les invitant à déserter et celle où le lieutenant incarné par Mitchum revient d'un paysage désolé, son corps ramené à dos d'âne.


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Morrinson
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le 15 déc. 2023

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Morrinson

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