"Les Évadés" de Jean-Paul Le Chanois (à ne pas confondre avec la traduction française de "The Shawshank Redemption" réalisé par Frank Darabont) est un très bon exemple du cinéma de qualité française des années 50, en tous cas tel que je me le représente, dans ses qualités comme dans ses limitations. Ce n'est pas du grand art, rien de folichon ou d'incroyablement original, mais c'est malgré tout bien exécuté par des artisans honnêtes : tout dépendra des attentes que l'on peut avoir vis-à-vis de ce genre de cinéma. Une chose est sûre, le scénario de fuite vers la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale rappelle un peu inévitablement la fuite des personnages dans "La Grande Illusion" pour la Première, en direction de la Suisse, et ce n'est pas du tout (mais alors pas du tout) à son avantage.


François Périer dans le rôle de François, prisonnier de guerre dans un camp allemand, s'évade avec Michel André dans le rôle de Michel (et accessoirement l'auteur des mémoires adaptées ici). Ils rencontrent en chemin Pierre Fresnay dans le rôle de Pierre, un lieutenant français dont l'évasion ne s'est pas révélée concluante. Les trois larrons, dont les caractères bien distincts font un peu trop apparaître les coutures d'un scénario didactique, s'embarquent bien vite dans un wagon allemand de marchandise en direction du nord de l'Allemagne, puis du Danemark, avec la Suède en ligne de mire, ils l'espèrent. Et c'est dans ce wagon que va se dérouler la majeure partie du film, avec l'explicitation des motivations de chacun — celui qui veut retourner au combat le plus rapidement possible, celui qui en a assez d'être dans les rangs de l'armée, et celui plus intellectuel qui sait parler allemand — prenant forme dans un huis clos un peu particulier. Le trajet n'est pas évident, rythmé par des arrêts récurrents et autant de chances d'être surpris, et sur lequel plane l'angoisse de la gestion de l'eau : ils sont enfermés là-dedans et doivent rationner un bidon pour maximiser leurs chances de survie. La connaissance du calcul du volume d'un cylindre et d'un cône tronqué n'aura jamais été aussi utile...


Quelques péripéties inattendues viennent compléter le tableau dans le dernier quart, avec une séparation surprenante des chemins et quelques rappels morbides du contexte qui entoure leur fuite (la chanson "À la claire fontaine" qu'on entend de la part d'un groupe de femmes emmenées aux camps de concentration). Une conclusion moins ouvertement simple et tournée vers le happy end aurait été préférable, tout comme un plus grand naturel dans la description des relations dans le long passage consacré à la vie dans le wagon.

Morrinson
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le 24 oct. 2023

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