Très grand film. Clouzot a parfaitement transposé en France le livre d'Hostovstky, "Le vertige de minuit (voir ma critique) pour paradoxalement en clarifier la confusion et l'absurdité ! Transposer l'action dans une "maison de santé", mêler le personnel de l'institution à l'intrigue, utiliser une des malades (Véra Clouzot) comme témoin muet, renforce encore l'égarement du spectateur entre film d'espionnage et documentaire sur la paranoïa alcoolique. Magnifiquement joué par de formidables acteurs de l'époque, magnifiquement filmé et restauré, "Les Espions" reste d'une modernité confondante et apparait comme tout sauf démodé (bien loin des reconstitutions à la mode actuelle où tous les accessoires, à commencer par les voitures, semblent juste sortis du musée.) Le scénario est d'une très grande inventivité (l'association des ocarinistes de Bagnolet, l'enfant à l'avion, le patron du bistrot qui n'a de politique que celle de son tiroir-caisse, etc.,) et culmine dans une scène "culte" dans laquelle Peter Ustinov explique dans un bar le dur métier de l'espionnage à Gérard Séty (parfait dans le rôle du psychiatre pris pour un fou) devant un parterre d'espions ressemblants à tout sauf à James Bond, qui renchérissent ! Pas sûr que le cinéma contemporain soit aussi audacieux !