Le cinéma est un art intégratif, qui recoupe les autres arts et tente tant bien que mal de coordonner littérature, interprétation, photographie et beaux-arts. Or il en va de l'accord des arts comme de l'accord des mets et des vins : les accords respectant les spécificités culturelles locales sont bien souvent les plus judicieux. En effet, quoi de mieux qu'un réalisateur issu de la fameuse école du réalisme scandinave pour mettre en scène l’œuvre d'un auteur de l'école du roman noir scandinave ?


Dernier long métrage du danois Mikkel Nørgaard et suite du film Les Enquêtes du département V : Miséricorde, Profanation est donc également une adaptation de la série de romans éponymes, fiers représentants du genre "noir scandinave", popularisé auprès du public par Millenium. Nous suivons les enquêtes du département des affaires classées qui va se replonger sur le cas d'un double meurtre avec viol jugé 20 ans plus tôt suite au suicide du père des deux victimes, qui a laissé derrière lui un dossier aussi fourni qu'intrigant...


Une fois n'est pas coutume, commençons par ce qui est peut-être le seul point négatif de ce film, sautant aux yeux dès la bande-annonce : les quelques outrances qui jalonnent le métrage. Bien que toujours justifiées à un moment où à un autre par un processus complexe de construction des personnages, ces scènes peuvent de prime abord être perçues comme gratuitement choquantes.


Et si leur impact est si fort, c'est bien parce que la réalisation fait des merveilles pour l'immersion du spectateur. Le plus évident est bien sûr la récurrence de scènes de nuit ou de lieux confinés (généralement dans le présent) aux teintes principalement sombres et au grain plus rustres symbolisant une certaines souillure. Mais s'arrêter à cet aspect serait négliger les magnifiques plans plus colorés aux éclairages un brin irréalistes, voire parfois oniriques au symbolisme clair (mais je ne spoilerai pas) qui apportent un vrai contraste avec les scènes précédentes, au service de l'immersion.


Les acteurs sont tous justes, avec même quelques performances magnifiquement inspirées (Kirsten jeune principalement) et campent des personnages jamais outrageusement caricaturaux, le plus souvent profonds et surtout rongés par des maux plus ou moins scabreux. La folie et "l'insanité" très présentes, associées à l'impact quasi-inexistant qu'auront les actions des héros sur l'histoire ne sont pas sans rappeler les écrits de Lovecraft. Au travers des deux policiers, nous découvrons une horreur, non surnaturelle certes, mais non moins choquante de par son inéluctabilité et son inhumanité.


Enfin, cette critique ne serait pas complète sans aborder les nombreux sous-textes qui parsèment ce film. Les critiques sociales de la décadence des puissants, du stupre, des inégalités sociales, raciales et sexistes et de l’iniquité de la justice sont aussi subtiles qu'efficaces, voie même plus efficaces que dans certains autres métrages, pourtant pensés (et vendus) autour de ces idées.


Bref, une merveille pour tous les amateurs de noir qui n'auront pas peur de soutenir des scènes crues et sauront garder leur cerveau branché en permanence devant l'écran. Si la magie opère, préparez-vous à une claque cinématographique que vous n'êtes pas prêts d'oublier.

nostoc
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le 10 avr. 2015

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