Là où il réussit à faire souvent abstraction d’un scénario assez convenu, en adoptant une démarche d’esthète au service d’une imagerie aux accents lyriques, de splendides plans de cette campagne déserte aux herbes couchées par le vent, cette manière d’user de la profondeur de champ pour mettre en valeur les splendides paysage, le film est tourné au Mont Saint-Michel, le réalisateur Henri Calef ne parvient malheureusement pas à s’en affranchir dans une sorte de dénouement trop explicatif qui gâche un peu sa démarche.


Films initialement fortement axé sur la quête de vérité et les maux d’un passé qui ressurgit avec le retour d’une femme, Ginette Leclerc, qui arrive drapée de noir pour retrouver un père et un frère infirme dans une campagne dominée au loin par la ville fortifiée, il développe tout une palette de personnages tous plus ou moins tenu par le mystère de la mort du second frère.


Dès lors, les enjeux que l’on aurait pu croire au préalable véhiculés par cette arrivée féminine en zone masculine s’axeront sur les rapports entre cette dernière et un père dur et entêté, interprété par Edouard Delmont, dont l’implacabilité masque des blessures profondément enfouis dans un passé portait comme une lourde croix. C’est d’ailleurs le point le plus intéressant de ce film, qui au-delà de son aspect graphique très soigné, avec une photographie expressionniste d’une beauté Bergmanienne lui conférant un aspect lyrique qui contrecarre les maladresses d’un script pas toujours au service de la mise en scène, et une utilisation d’artifices souvent malvenus, je pense notamment à une musique tonitruante qui perturbe les tonalités naturelles découlant de l’image et tente de véhiculer une émotion qui n’avait pas besoin de ça pour découler de la puissance évocatrice de son absolutisme visuel.


Reste un casting intéressant et une réalisation sophistiquée qui sait magnifiquement mettre en valeur des paysages naturels dépouillés et apportait une tonalité baroque à ce drame familial.

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le 19 mars 2019

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