Ne cherchez pas trop et ne vous attendez pas à grand chose ; ainsi vous ne serez pas déçu et vous ne vous direz pas que vous auriez pu vous contenter d'aller vous promener dans les bois, dans les collines voisines ou même sur la plage et les dunes, selon votre lieu de résidence.

Quand un grognon, bourru, reclus dans sa montagne, rencontre un citadin speedy de passage, qu'ils doivent cohabiter un instant, on peut s'attendre à ce que cela ne matche pas forcément entre eux, que cela fasse quelques étincelles et même prenne feu. Pierre/Grégory Gadebois vit à la montagne dans une masure qu'il a apparemment construite de ses mains et qui tient plus du cabanon de trappeur canadien que du chalet savoyard. Vincent/Lambert Wilson est un homme d'affaire international à qui tout réussit et qui passe par là, sans raison, sinon celle d'avoir emprunté une étroite route de montagne au volant de son cabriolet grand sport.

Pierre est un taiseux plus vrai que nature. Il parle du regard et grogne de temps à autre pour toute réponse. A l'inverse, Vincent est un verbeux qui ne se tait jamais. Pierre l'héberge pour une nuit ou deux, le temps de remettre en marche le cabriolet subitement tombé en panne. La remise en l'état prenant plus de temps que prévu, Pierre s'en retourne chez lui, mais revient peu après pour récupérer sa voiture bien sûr, mais aussi subitement pour se ressourcer et profiter d'une nature au calme salvateur pour quelqu'un qui vit à 300 k/h en permanence dans un monde sans âme, sans vraies valeurs et dépourvu de sens. Nous pourrions penser à un film bucolique qui chante les vertus de la nature et de ses apaisements, et celles des relations vraies avec des gens qui ont retrouvé une orientation à leurs vies.

Vous n'y êtes pas, parce que vous n'avez pas bien écouté ce qu'a dit Vincent à ses collaborateurs au tout début du film. Vincent n'était pas sur la petite route de montagne qui conduit à la cabane de Pierre fortuitement et sa panne est une ruse.

Pierre n'est pas davantage là par hasard et la présence en pleine montagne de ce spécialiste mondialement connu de biologie marine est pour le moins incongrue. Quel est donc le secret de cet espèce d'ermite dont les seule relation et activité sociale semblent être une gamine de quelques dix ans aussi taiseuse que lui et avec qui il pratique la pêche à la mouche ? Avec quel mystérieux voisin, Pierre prévoie-t-il de partager une véritable soirée gastronomique dont il prépare les plats avec grand soin et qu'il transportera à dos d'homme à travers la forêt ?

Voisin ou voisine ? Nous sommes toujours fines mouches et n'avons pas attendu un Lambert Wilson déguisé en devin pour trouver la réponse ! Et aussitôt Eric Besnard, le réalisateur, nous dévoile le pot aux roses pour articuler la seconde partie de son film au plus vite, car l'heure tourne. Camille /Marie Gillain est la veuve du frère de Pierre et Zoe/Betty Pierucci Berthoud sa nièce. Le biologiste marin est venu vivre à une encablure de son ornithologue de belle-sœur car il en est amoureux transi depuis toujours sans s'être jamais déclaré à celle qui a fait sa vie avec un frère décédé dans un accident de voiture.

Vincent, à qui rien n'échappe, a compris que le bourru d'une timidité sans nom, ne se déclarera jamais s'il ne le pousse pas un peu à l'arrière-train. Mais quel est son intérêt dans l'affaire alors que lui-même est très seul dans la vie, sans femme ni enfant et que le personnage qu'il campe n'est pas spécialement un philanthrope pétri de charité chrétienne ? Vous n'avez décidément pas été attentif au début du film !!!

Une des sociétés High-Tech que possède Vincent bat de l'aile et ne peut se tirer d'affaire que si elle recrute le biologiste, potentiellement futur prix Nobel, à qui un laboratoire concurrent basé en Californie a également fait des propositions. La panne du joli cabriolet sur la petite route de montagne n'était en fait qu'un coup de la panne pour approcher et emballer, et les efforts déployés pour que Pierre déclare sa flamme à Camille un investissement dont Vincent attend un retour ; un homme heureux en amour est plus productif qu'un homme amputé de l'essentiel et, dans le cas d'un chercheur scientifique, le chemin vers le prix Nobel s'en trouve toujours singulièrement raccourci.

Ceci étant dit et une fois la stratégie pour arriver à ses fins bien calée, Vincent peut s'adonner enfin aux plaisirs bucoliques de la montagne et aux petits plaisirs du ciseau à bois et de la plane de charron. L'essentiel était que le nord ne soit pas perdu.

On pourrait penser que j'ai trouvé le film de peu d'intérêt. Il n'en est rien. Dans le rôle, tour à tour du bourru-taiseux ou du taiseux-bourru, Grégory Gadebois excelle. Il est des rôles plus difficiles à tenir que celui d'un bavard impénitent qu'on peut se contenter de faire parler de manière continue, même quand il n'a pas vraiment quelque chose à dire. Mission délicate et ô combien difficile que de faire s'exprimer un renfermé impénétrable à qui le scénariste et surtout le dialoguiste veulent pourtant faire dire quelque chose et peut-être faire reposer l'essentiel du film sur lui !

Disons que je suis resté dubitatif pendant la première moitié du film, songeur et quelque peu inquiet pendant la suite immédiate quand j'ai réalisé qu'il restait encore une demi-heure à meubler et surtout une transition vers une fin possible, à négocier sans risquer la sortie de route et une vrille mortelle dans les ravins qui la bordent. Nous avons tous tenu bon, avec soulagement je dois dire, même si je suis resté sur ma faim.

Je n'ai cependant pas vraiment perdu mon temps, car j'ai pu à la sortie de la projection échanger quelques mots sur le cinéma en général avec Mickaël, qui tenait ce jour-là très consciencieusement son stand confiserie et pop-corn entre deux ventes de billets d'entrée, et entrevoir Sylvie qui ne travaille plus là mais est venue se faire une toile.

Post scriptum :

J'ai tout de même appris une chose importante.

Si d'aventure un ours brun se dressait soudain sur ses pattes derrière vous, ne prenez pas vos jambes au cou pour lui échapper, mais éloignez-vous doucement, l'air de rien et avec un grand sourire avenant, sans courir pour ne pas réveiller son instinct de chasseur qui pourrait l'inciter à se lancer à votre poursuite pour vous croquer.

Si un étang ou un lac se trouve à proximité, n'hésitez pas à sauter à l'eau, les ours bruns semblent craindre l'eau glacée. Je me permets toutefois d'émettre une réserve sur cette recommandation : elle ne vaut que pour l'ours des Abruzzes ou son cousin de Slovénie. Si votre visiteur est un Grizzli du Canada ou un un ours Kodiak d'Alaska ne pensez pas lui échapper en vous réfugiant dans l'eau ; ils ne craignent pas l'eau froide, habitués qu'ils sont à s'y tremper les pattes pendant des heures pour attraper les saumons dont ils sont friands et ils savent même m'a-t-on dit, nager comme un ours blanc arctique.

Freddy-Klein
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le 6 mars 2023

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