C’est quoi un film culte ? Derrière cette expression galvaudée se trouvent des milliers de films : celui qui a été un échec à sa sortie puis qui a gagné ses galons avec le temps, celui qui a longtemps été difficile à trouver, celui qui a marqué une génération, celui qui passe tous les ans à la télévision, celui qui coïncide avec les débuts de tel artiste, celui qui a été longtemps incompris. Si on considère Les Bronzés font du ski comme un film culte (ce qui est discutable), c’est sûrement pour un ensemble de raisons : succès très modeste en salles mais gros carton à la télévision, comédie parmi les préférées des Français, projet chaotique, film d’une génération, dialogues entrés dans la culture populaire, etc. J’avoue ne pas réussir à juger ce film avec la distance qui serait nécessaire. Ce film qui a fait hurler de rire la génération de mes parents m’accompagne depuis près de quarante ans. Vu et revu au fil de ses diffusions à la télévision ou sur le magnétoscope familial, c’est un film de chevet que j’ai vu peut-être cinquante fois et dont je ne me lasse pas.
Peu importe ses défauts, Les Bronzés font du ski, c’est, avant tout pour moi, une comédie franchement drôle. Son scénario prétexte sert parfaitement ses situations amusantes, ses dialogues tordants et ses gags délirants. Du type qui se fait vider d’une crêperie parce qu’il demande une crêpe au sucre, du jeu de scrabble balancé depuis le troisième étage à la scène du crapaud dans la bouteille (qui fait écho à celle des Tontons flingueurs) en passant par le refuge avec les Italiens, tout fonctionne. Michel Blanc qui espère toujours « conclure sur un malentendu » et qui chante "Quand te reverrai-je", Thierry Lhermitte en beau gosse sans-gêne qui se croit plus fort qu’il ne l’est, Gérard Jugnot et Josiane Balasko en couple bourgeois égocentrique et colérique qui a toujours une vacherie à balancer, Christian Clavier et Marie-Anne Chazel en couple en pleine ascension sociale mais qui ne vit peut-être pas l’amour fou auquel il aspirait, tout ceci forme une galerie de personnages attachants. On obtient ainsi une vraie comédie chorale où chacun occupe un espace comparable sans que jamais personne ne semble pousser son voisin pour lui voler la vedette.
Beaucoup plus rythmé et cent fois plus drôle que Les Bronzés, ce second opus n’a pas perdu de son efficacité. On a beau connaître par cœur les répliques, c’est joué avec une telle justesse et une telle fraîcheur et évidence que la magie du rire continue à opérer. Rares sont les œuvres, à plus forte raison les comédies, où il se dégage une aussi grande sincérité. Pas de mécanique ici, pas de tour de force, simplement l’évidence d’un groupe d’amis heureux d’être ensemble et de partager avec les spectateurs une tranche de vie. Parfois grinçants, les portraits brossés sont aussi ceux d’une époque et le groupe du Splendid vise plutôt juste. Alors peu importe que l’ensemble paraisse décousu, que la musique de Pierre Bachelet fasse kitsch, que la réalisation ne dépasse pas l’ambition de la seule mise en images. Ce qui compte, à mes yeux, c’est cette éternelle madeleine de Proust que ce film allume en moi à chaque fois que je le vois. Un film qui me rend heureux à sept ans comme à cinquante. C’est peut-être aussi ça un film culte, non ?