Pour les adeptes de communautés coupées du monde et d'amitié contrariée...

J’ai découvert la bande-annonce de « Les banshees d’Inisherin » durant les vacances de fin d’année. Les enjeux de l’histoire, les acteurs, l’atmosphère… Tout m’attirait. Lorsque j’ai appris que le film était mis en scène par Martin McDonagh, ma volonté d’aller le voir en salle a encore grandi. En effet, je garde d’excellents souvenirs de « Bons baisers de Bruges » et de « Three billboards », précédents opus du réalisateur. C’est donc avec enthousiasme et curiosité que j’ai découvert cet opus il y a quelques jours.


L’intrigue nous plonge dans le quotidien d’une petite communauté habitant sur l’île d’Insherin. Padraic vient chercher comme tous les jours Colm pour aller boire une pinte au pub. Mais son ami lui annonce qu’il veut définitivement couper les points avec lui. Cette décision radicale bouleverse Padraic. Elle n’est accompagnée d’aucune explication. Mais le jeune homme refuse d’accepter cet état de fait. Sa persévérance et son combat pour reconquérir l’amitié perdue marque le début d’une escalade qui va s’avérer terrible…


Les événements se construisent tous autour de la situation pour le moins conflictuelle entre les Padraic et Colm. Néanmoins, le scénario offre une place bien plus importante autour de celui qui a été abandonné. On partage sa souffrance, son incompréhension. Les personnages secondaires sont définis essentiellement par leur relation avec lui. L’interprétation de Colin Farrell est remarquable. Elle offre une épaisseur à ce protagoniste attachant, fragile et parfois maladroit. On souffre avec lui de sa situation. Colm est davantage en retrait. Sa fonction réside essentiellement à prendre des décisions qui enveniment la situation et lui font atteindre un point de non-retour. Le personnage bourru et peu loquace est sublimé par la prestation de Brendan Gleeson. Les deux principaux protagonistes sont à la hauteur des attentes. Ce n’est pas le moindre des compliments.


La quête de Padraic pour faire revenir sur sa décision son ami est le fil conducteur de l’histoire. Les deux interprètes sont remarquables comme je viens de l’évoquer. Pourtant je trouve que la mayonnaise narrative autour de cette relation ne prend jamais vraiment. Malgré l’envolée dramatique qui va accompagner l’évolution de l’intrigue, je ne suis jamais vraiment arrivé à me passionner pour l’issue de cette « dispute ». Je ne me suis pas laissé prendre par cet enjeu malgré l’empathie évidente que j’ai ressenti pour l’ami délaissé. Finalement, je me suis senti davantage intéressé au quotidien du personnage et de sa communauté qu’à son conflit avec Colm.


En effet, autour du duo personnel gravite une galerie de personnages secondaires joliment écrits et mis en valeur par un casting talentueux. Siobhan est la sœur de Pedraic. Sa personnalité ne laisse personne indifférent tant sur l’île que dans la salle de cinéma. Dominic est le simplet du village. Il est extrêmement attachant. Sa vie est d’une dureté qui ne peut laisser personne indifférent. Je vais m’arrêter là pour ne pas vous dévoiler l’intégralité des autochtones d’Insherin. Je vais vous laisser les rencontrer au gré de l’avancée de la narration. Vous ne regretterez pas le voyage.


D’ailleurs je dois bien avouer que je me suis assez rapidement désintéressé du dénouement de la relation entre les deux « amis ». Par contre, j’ai été captivé par l’immersion proposée par le film dans cette communauté insulaire. Le sentiment de voir ces personnes coupées du reste du monde génère une ambiance particulière que j’ai trouvé envoutante et agréable. La place offerte à cette nature sauvage parsemée de quelques maisons est joliment exploitée. Les relations entre les différents protagonistes sont subtilement décrites. Les sous-entendus et l’implicite évitent de longs discours qui auraient gâché l’atmosphère. La qualité de la mise en scène suffit à nous faire comprendre la complexité du quotidien dans un petit univers isolé.


Pour conclure, mon impression sur « Les banshees d’Inisherin » est nuancée. J’aurais aimé tomber complètement sous le charme de ce film. Tous les ingrédients étaient présents pour je succombe à cette histoire et à ses enjeux. Néanmoins, ce n’est pas totalement le cas. J’ai été finalement déçu par la gestion de la relation entre Padraic et Colm. Elle est trop peu travaillée à mes yeux si elle doit servir de fil conducteur à l’ensemble. Elle occupe trop de place s’il ne doit servir que de porte d’entrée dans le monde d’Insherin. Néanmoins, ce bémol ne doit pas faire oublier les nombreuses qualités qui habitent le film et qui m’ont permis de passer un agréable moment qui sort des sentiers battus…


Eric17
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le 14 févr. 2023

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