Rodriguez est incompréhensible : il sortait, en 2005, Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl, juste calé entre les excellents Sin City et Planète Terreur; auteur de superbe films ultra-violents, il a démontré qu'il était capable de nous sortir de grands films. Qu'est-ce qui a pu justifier la sortie de ce film, alors? Généreux comme il l'est avec son public, il l'est aussi avec ses gosses; c'est pour eux qu'il a réalisé ce Shark Boy et Lava Girl, qu'il a commis l'acte irréparable d'une carrière bien étrange.


Encore pire que Spy Kids 4, on tient là un ovni cinématographique inexplicable : si la consommation de drogues aura pu bien aider pour travailler le design, l'univers de l'oeuvre, le résultat final aura de quoi laisser bête, pantois. C'est qu'on se demande rapidement où Rodriguez aura pu piocher tant de mauvais goût, et comme il l'a toujours fait dans sa carrière, tout ce qu'il fait ici prend des proportions pharaoniques.


La thématique du rêve, principal sujet du film, part, par exemple, dans tous les sens : si l'on met du temps à comprendre que tout le film se déroulera dans l'esprit de notre héros (insupportable Cayden Boyd), l'introduction en forme de conte étant beaucoup trop laide pour qu'on se concentre sur autre chose que ses effets spéciaux répugnants, Rodriguez aura voulu trop en faire en poursuivante sa réflexion dans le monde réel. Le pouvoir des rêves étant, selon lui, l'essence la plus puissante de la vie, il suffit d'y croire pour les voir se réaliser; aux cauchemars de les suivre, avortés par l'intervention de ses deux personnages oniriques, Shark Boy et Lava Girl.


L'un est interprété par un Taylor Lautner tout jeune aux traits forcés, qui tente d'être badass à 13 ans quand qu'il ne le serait toujours pas pour ses thrillers post-Twilight. L'accompagne une certaine Taylor Dooley, qui jouait là dans son seul film; aux vues de sa prestation, c'est tout à fait logique, d'autant plus que, loin d'être aidée par des dialogues à la finesse d'une rédaction niveau maternelle, Rodriguez l'abandonne tristement sur des CGI affreux, roses parce que c'est une fille, avec des touches orange et des coulis de lave grotesques. Bien sûr, Lautner est en bleu, parce que c'est un garçon.


Face aux trois personnages principaux, un George Lopez qui fait n'importe quoi en instituteur hystérique fraîchement changé en prise électrique démoniaque, finalement aux ordres d'un ordre déchet d'acting, Jacob Davich, proie d'un jeu de mot absolument incroyable : Linus dans le monde réel, il devient Minus dans celui des rêves. Ironique, Rodriguez dénonce ici la finesse des blagues de l'enfance avec une réflexion d'un aboutissement considérable, parfaitement souligné par une écriture aux petits oignons.


David Arquette, encore moins supportable que dans le Scream de Wes Craven, nous amène, à son tour, une histoire de déception amoureuse qui se mue, au fil des rêves du héros, en reconquête de la femme; Shark Boy, c'est l'histoire d'un jeune gosse schizophrène aux hallucinations incroyables et laides qui, face à la dureté de sa réalité (moqué à l'école, au milieu du divorce de ses parents), c'est construit, sous l'excuse du rêve, sa propre logique du monde.


Ses parents se remettent ensemble grâce à son imagination, la fille de l'instit le regarde enfin, et c'est en ridiculisant Minus qu'il le sauvera plus tard, au moment d'imposer son courage, sa fierté et sa superbe à sa classe entière de petits idiots primaires. Ils se rendront tous compte que ce gosse un peu bizarre n'était pas en plein délire : Shark Boy et Lava Girl, ayant pris vie par le pouvoir de l'onirisme et de l'amitié, se posent comme les aidants de notre héros, chargé de détruire, à lui tout seul, monsieur Prise géante. Forcément qu'ils l'aideront, mais dans sa schizophrénie nouvelle, le personnage de Max s'est tellement perdu dans sa réalité fictive que le film se conclu sur l'avenir des deux super-zéros dans notre monde, notre jeune en primaire ayant surement fini, entre temps, en asile psychiatrique, ses parents divorcés et Linus toujours roi autoritaire de la classe.


Ou peut-être que Les Aventures de Shark Boy et Lava Girl n'était qu'un film de merde, et que j'ai besoin de lui donner de la profondeur pour que la pilule passe mieux.
Rodri, sérieusement?

FloBerne

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