Maladroit et déceptif, un film qui ne va jamais au bout de ses idées

ATTENTION SPOILERS !!


Pas à la hauteur des quatre années d'attente. Je voulais aimer le film et vibrer. Je suis resté indifférent, je ne suis pas parvenu à m'impliquer émotionnellement (pour des raisons que j'explique plus bas) et je suis ressorti frustré.


Je fais partie de ceux qui avaient apprécié le deuxième volet de la saga : l'intrigue autour du duel entre Dumbledore et Grindelwald m'intéresse en effet davantage que les animaux magiques qui servent uniquement à justifier le titre.
Car le péché originel est bien celui-là : avoir voulu, quoi qu'il en coûte (!), se servir de cette saga sur un zoologiste en quête d'animaux magiques comme d'un cheval de Troie pour nous mener jusqu'au duel entre Grindelwald et Dumbledore, et avoir voulu étaler tout ça sur 5 (!) films. L'entreprise était vouée à l'échec. Il eût sans doute été plus judicieux de faire un stand alone sur le magizoologiste et de faire par ailleurs une autre saga qui assumât pleinement de raconter l'ascension au pouvoir de Grindelwald et la confrontation avec Dumbledore.
Ce troisième volet n'est pas totalement idiot ; il relie avec beaucoup d'intelligence l'intrigue sur les animaux magiques avec l'arc narratif principal de l'ascension de Grindelwald puisque les animaux jouent ici un rôle essentiel dans la résolution de l'intrigue. Malheureusement, le mélange des tons est loin d'être satisfaisant : le film se cherche constamment entre les scènes clairement destinées aux enfants (et assez pénibles, il faut bien le dire) et les scènes sombres, violentes ou politiques destinées au public adulte. Résultat : les adultes s'ennuient ferme sur certaines séquences et je vois mal comment les enfants peuvent s'intéresser à l'intrigue politique qui est au centre de ce film long de plus de deux heures.
Le problème du film (et de cette saga) est qu'il ne va jamais au bout de ses idées et de ses bonnes intuitions : on emmène les protagonistes à Berlin à l'époque du troisième Reich mais vous ne verrez aucun signe extérieur du nazisme. Chaque fois que le film parvient à créer un peu d' intensité (je pense à ces scènes intenses qui montrent Grindelwald à Berlin en leader charismatique entouré de ses partisans), on switche vers une intrigue destinée aux enfants (la scène interminable du héros dans la prison qui sert clairement de remplissage et de caution comique).
Il y avait pourtant matière s'agissant de la dramaturgie et des conflits ! Le second film s'achevait brillamment par le ralliement de Queenie à Grindelwald. Assez légitimement, je m'attendais à une confrontation (voire un duel) entre Queenie et sa soeur/ses anciens alliés. Que nenni ! Queenie se rend compte dès les premières minutes du film de la cruauté de Grindelwald et rentre dans le camp du bien, comme si les scénaristes n'assumaient pas la trajectoire qu'ils avaient donnée à ce personnage dans le volet précédent.
Même inconséquence s'agissant de la relation entre Newt et Thésée. Le dernier film s'achevait sur un traumatisme : la mort de leur amour commun Leta Lestrange. Explicitement on nous laissait entendre qu'il y aurait un conflit entre les deux frères, de la rancœur (puisque dans un plan du deuxième film, Leta Lestrange lançait avant de mourir un regard amoureux aux deux personnages sans qu'on sache à qui il était destiné). Encore une fois, la piste est écartée : Thésée s'entend très bien avec son frère. J'en viens à penser que Thésée aurait du rejoindre Grindelwald par ambition politique pour qu'on ait davantage de conflits.
L'histoire du pacte du sang trouve une résolution grotesque et facile (les scénaristes ne savaient sans doute pas comment se délivrer de ce pacte embarrassant).
J'en viens au vrai problème : les scénaristes semblent avoir voulu faire de ce film une conclusion en fermant toutes les portes ouvertes : Queenie rentre dans le camp du bien (quel énorme gâchis, son ralliement à Grindelwald a été totalement sous-exploité), elle se marrie avec Jacob, Tina et Newt continuent de se tourner autour, Dumbledore est libre du pacte qu'il a formé, Croyance, personnage sans intérêt devenu un peu trop encombrant, meurt hors-champ...
Les personnages n'évoluent pas, ils font du surplace, n'entrent pas en conflit,...
En fait, après ce film, on a le sentiment de n'être toujours pas entré dans la saga : c'est le statu quo. Seule avancée : Dumbledore peut affronter directement Grindelwald. Mais ce dernier n'est toujours pas parvenu au pouvoir, il est toujours un criminel en fuite,...
Finalement, ce film est terriblement frustrant et déceptif : tout est dénoué au terme de ce volet (l'arc Queenie-Jacob, la relation Thésée-Newt et leur traumatisme suite à la mort de Leta, Croyance, le pacte du sang, l'amour que l'assistance voue à Newt,...). Pire : la confrontation tant attendue (et qu'on voulait intense) entre Dumbledore et Grindelwald a déjà eu lieu. Evidemment, les scénaristes ont pris soin d'en garder sous le pied au cas où ils font une suite, mais on perd beaucoup en intensité dramatique dans la mesure où Grindelwald et Dumbledore se sont déjà affrontés dans ce volet.
Il y a également quelques maladresses scénaristiques : qui est ce Vogel ? Le chef de la confédération magique sortant ? Le ministre allemand de la magie ? Pourquoi joue-t-il ce rôle d'arbitre ?
En revanche, le côté "voyage" ne m'a pas trop dérangé (même si j'aurais aimé voir davantage Berlin).
Le film souffre par ailleurs d'un gros problème de rythme : on sent le temps passer et on sort du film bien trop souvent car il est trop long (notamment l'exposition mais également la scène dans la prison). Encore une fois, je vois mal comment des enfants pourraient tenir deux heures compte tenu de l'intrigue politique (sans même évoquer les scènes de violence comme la scène où un animal est égorgé ou celle où le héros est torturé devant tout le monde).
Les effets spéciaux sont très laids : Poudlard se résume à un fond vert hideux et n'a plus aucune âme.
Même la bande originale est moins inspirée : James Newton Howards réutilise à bon droit ses leitmotivs mais, alors que la bande originale du deuxième volet était magistrale et épique, la musique de ce troisième volet est anecdotique et décevante.


Le film est frustrant : j'ai le sentiment que la Warner a voulu offrir une conclusion "satisfaisante" à cette saga en anticipant un bide. Il est absolument impossible de tenir encore deux films dans la mesure où tous les conflits entre les personnages (Queenie-Jacob, Thésée-Newt, le triangle amoureux Bunty-Newt-Tina,...) sont réglés et tous les nœuds sont dénoués. Résultat : alors que j'étais très hypé à l'issue du deuxième volet (comment la relation Thésée-Newt évoluera-t-elle et comment se remettront-ils de la mort de leur amour commun ? Queenie et sa soeur Tina finiront-elles par s'affronter dans un duel magique ? Comment Dumbledore se délivrera-t-il de ce pacte ?), je n'attends rien d'une éventuelle suite puisque toutes les intrigues ont trouvé leur résolution.
De deux choses l'une : soit les scénaristes réorientent la saga en intégrant Voldemort, soit ils concluent avec un quatrième et dernier volet qui culminera dans l'affrontement (déjà un peu anticipé et éventé) entre Dumbledore et Grindelwald.


Points positifs : les costumes, les décors (toujours impressionnants malgré l'usage trop important des effets spéciaux), l'intrigue politique (assez prenante et agréable à suivre), les acteurs (Grindelwald est plus crédible que Depp en leader charismatique, l'actrice brésilienne est absolument charmante,...) un Dumbledore totalement cohérent avec le personnage de la saga Harry Potter (ouvertement gay, amer, solitaire, manipulant les personnages comme des pantins dans son plan).
Points négatifs : CGI très laids, bande originale moins inspirée que dans le volet précédent, mélange des tons avec un film qui se cherche et hésite sur le public auquel il se destine (du coup, ni enfants ni adultes ne sont pleinement satisfaits à la sortie), un film conclusif qui a donc un effet déceptif et frustrant.

Bastien71
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le 11 avr. 2022

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Bastien71

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