Wakamatsu m’a l’air d’être complètement fou. C’est donc tout naturellement que je poursuis sa filmographie après Va, va, vierge pour la deuxième fois qui était ma première incursion dans son cinéma. Et ça m’avait vraiment troublé bien que je trouvais qu’il manquait un petit quelque chose pour me tétaniser complètement. Et mon ressenti sur les Anges Violés est à peu près similaire. Une fois encore, j’ai trouvé l’atmosphère du film vraiment géniale. Le montage de l’introduction est admirable, j’ai aimé cette succession de plans qui présente le personnage principal en nous laissant deviner quel est son rapport aux femmes. Pour autant, rien n’est purement explicite. On sent qu’il y a de la frustration, de la haine, peut-être de la colère mais on ne connaît rien de la nature de son problème. Et c’est une bonne chose, ça renforce le côté mystérieux du personnage, ça le rend encore plus imprévisible. Cette prise d’otages pas comme les autres est troublante justement grâce au flou qui règne autour de ce protagoniste. Tu ne connais pas ses intentions, tu as même l’impression qu’il a débarqué là par hasard, que tout ça n’a pas été programmé, que tout ça est purement gratuit. Et c’est d’ailleurs comme ça que le film fonctionne, car il y a suffisamment de parts d’ombre pour garantir un suspense permanent.

Pour autant je trouve le rythme assez bancal, ce qui est vraiment dommage sur un film qui ne dure même pas une heure. Le film démarrait très fort pour ensuite grimper crescendo dans l’intensité mais le soufflé retombe un petit peu au milieu, notamment quand la chef des infirmières questionne l’homme. Ça tombe dans une ambiance terre-à-terre alors que précédemment tu avais des scènes assez surréalistes qui cognaient pas mal. Sans vouloir trop en raconter, je pense à cette scène où les femmes rient de l’impuissance de l’homme. Cette séquence est glaciale et cruelle, elle illustre un mal-être profond qui combine à la fois un malaise sexuel et sociétal. Et c’est mis en scène avec une maestria qui rend le tout encore plus troublant. Wakamatsu a tout de même de sacrées idées de cinéma, l’avant-dernière scène du film en est l’illustration. Il tenait là la fin parfaite avec un mystère encore plus palpitant et une beauté graphique à couper le souffle. Mais j’ai beaucoup moins aimé la toute fin qui renvoie un peu à ce côté terre-à-terre justement que je ne trouve pas forcément pertinent. Le film aurait gagné à rester dans cette atmosphère surréaliste, hors du temps et du monde extérieur.

Mais après difficile de bouder son plaisir devant une telle oeuvre qui propose une expérience assez déstabilisante malgré son rythme un peu saccadé. J’ai beaucoup aimé l’ensemble du film car Wakamatsu a des idées et sait les mettre en images. D’ailleurs il filme souvent en caméra portée, ce qui renforce l’immersion dans le film, dans cette ambiance atypique. Le Noir et Blanc est vraiment sublime d'ailleurs et les utilisations par intermittences de la couleur viennent renforcer le malaise. Visuellement c'est vraiment un film cohérent et travaillé. Je poursuivrai sa filmographie avec plaisir en tout cas, je sens qu’il y a de belles découvertes à y faire même si forcément, dans toute cette masse de films, certains ne doivent pas forcément être terribles. En tout cas je conseille cette expérience vraiment captivante.
Moorhuhn
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le 27 déc. 2014

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