Lemora : A Child's Tale Of The Supernatural sorti en 1973 est l'unique film de Richard Blackburn au sein d'une bien maigre filmographie d'acteur. Le long métrage est un étrange film d'atmosphère, de ceux qui méritent bien plus le coup d’œil pour l'univers assez unique qu'ils décrivent que pour l’histoire qu'ils nous racontent.


Lemora c'est donc l'histoire d'une jeune fille de 13 ans élevé par un pasteur (interprété par le réalisateur du film) depuis la mort de sa mère assassinée au lit avec son amant par son mari, un célèbre gangster. La jeune oie blanche qui joue les anges dans la chorale de la paroisse reçoit un jour une mystérieuse lettre lui indiquant que son père l'attend sur son lit de mort chez une mystérieuse Lemora. La jeune fille s'enfuit alors vers le village d'Astaroth pour un bien singulier voyage...


Lemora est un film sensitif et visuel, une sorte de long cauchemar qui s'en va joyeusement emprunter divers chemins de traverses parsemés de références diffuses comme le baroque visuel de Mario Bava, les thématiques propres aux contes de fées, l'ambiance de l'épouvante gothique de la Hammer ou les méandres fantasmagoriques d'une jeune fille confrontée à la perversité du monde. Comme Alice traversant le miroir, la jeune Lila va en quittant le cocon d'une vie quasi monacale se confronter au monde, puis glisser doucement à mesure qu'elle se rapproche ce cette ville maudite d'Astaroth de toutes les pervertirons et du mal. La jeune, pure et innocente Lila va par exemple se retrouver très vite confrontée à des regards et des désirs plus ou moins ouvertement sexuels de la part de quasiment tous les hommes qui vont croiser sa route comme ce chauffeur de bus très louche qui lui propose de payer quelques extra « if you know what i mean »... Mais c'est en se rapprochant de Astaroth que la jeune fille va s'enfoncer dans un monde super bizarre qu'elle regarde pourtant avec toute la candeur et l'innocence du ravi de la crèche. Dans une ambiance très singulière, tantôt réussie et tantôt un peu cheapos, Lila va alors croiser une sorcière, des loups garous, des goules, des monstres, des gamins diaboliques jusqu'à finir par rencontrer la fameuse Lemora qui est une femme vampire. Ce n'est pas une grande révélation de dévoiler la nature du personnage de Lemora car hormis la jeune Lila qui devra attendre de la voir croquer le cou d'un jeune garçon pour enfin comprendre, le spectateur lui aura capter très vite que Lemora est une suceuse de sang. Le scénario est assez fourre tout et ouvert j'imagine à toutes les interprétations, on ne capte pas toujours la nature des créatures ni la pertinence de leur présence dans un récit qui s'articule en gros sur cette seule et unique thématique de la perte de l'innocence au cœur d'un conte fantastique. Si le film va provoquer durant plusieurs décennies la colère d'associations religieuses c'est aussi que le film fustige en filigrane l'amour pas forcément très catholique de ce révérend envers cette innocente gamine de treize ans


L'étrange ambiance du film fonctionne très bien y compris dans ces aspects parfois un peu grotesque comme lorsque une sorcière hirsute vient chanter en tournant autour du personnage de Lila Lee. Le film baigne dans une ambiance de nuit bleutée du plus bel effet surtout lorsqu'à l'image vient s'ajouter une touche de rouge couleur sang, l'occasion de saluer le très beau travail du directeur de la photographie Sterling Frank même si ce dernier ne fera pas carrière dans le domaine. Du côté du casting les deux actrices principales qui interprètent respectivement Lemora et Lila Lee restent convaincantes sans livrer des performances impressionnantes. Il faut reconnaître que les deux personnages restent la plupart du temps confinés dans une attitude et une seule expression ce qui n'est guère propice à une vaste palette d'émotions. Froide, rigide, le teint blafard et impassible Lemora est interprétée par Leslie Taplin que l'on ne reverra plus jamais sur un écran après ce film. L'actrice possède pourtant une certaine prestance à l'écran, un certain charisme et même si elle a un peu tendance à rouler des calots et faire les gros yeux, elle incarne une femme vampire tout à fait convaincante à l'allure très aristocratique et maléfique. Quant à la jeune Lila Lee, elle est interprétée par Cheryl Smith que l'on recroisera dans de nombreux petits rôles de Phantom of the Paradise à L'Age de Cristal en passant par Rayon Laser ou Bande de Flics et qui bien qu'elle incarne une gamine de treize ans avait 18 ans au moment du tournage. La palette d'émotion est un peu plus vaste que pour Leslie Taplin mais là encore on a la sensation que la jeune comédienne traverse tout le film avec l'unique expression de la candide tout juste surprise de croiser des sorcières et des monstres sur sa route. Heureusement la trouble relation entre les deux personnages entre jeux de séduction et rapport proie / prédateur offre aux deux comédiennes l'occasion de nous offrir quelques jolies scènes.


Globalement Lemora est plutôt un joli film à l'univers vraiment singulier et aux thématiques troubles, pourtant je dois confesser m'y être aussi un peu ennuyer faute de personnage attachant et d'une intrigue solide à laquelle me raccrocher. Le film reste pourtant une véritable expérience et une vraie curiosité à découvrir

freddyK
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le 25 sept. 2023

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Freddy K

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