Le Vent se lève
7.3
Le Vent se lève

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2013)

Le vent se lève, emportant à la fois la grandeur et la folie des hommes

Le maître de l’animation japonaise a beau avoir une patte qui lui est propre, ces films peuvent être assez différents, de l’œuvre engagé et dramatique jusqu’au film enfantin plein de charme, plus ou moins marqué de fantastique. Quelle allait donc être la catégorie du « le vent se lève » ?

Jirō est un grand rêveur, qui se passionne aux avions depuis l’enfance, et met toute son énergie dans la conception d’appareils volants révolutionnaires. Mais à cette époque, les seules avions qui intéressent le Japon sont des engins de guerre, maniables et rapides. Le Japon a en effet un grand retard technologie qu’il espère bien rattraper. Il envoie alors ses ingénieurs apprendre des allemands, qui ont eu aussi des bombes dans les yeux, les deux nations affichant des ambitions impérialistes à la veille de la seconde guerre mondiale. Si Jirō aurait préféré en faire une tout autre utilisation, il met ses réserves de côtés et met tout son cœur à l’ouvrage, même s’il pressent que le Japon comme l’Allemagne exploseront. D’autant que les ressources consacrées à la guerre entraînent la pauvreté parmi la population.

Un film clairement engagé donc, surpassant en intérêt le chat autobus, la fille-poisson sortie des eaux ainsi que la petite sorcière volante. Sans atteindre, n’ayons pas trop d’attentes non plus, le niveau de son chef d’œuvre avec la princesse sauvage et le dieu cerf. Pas de magie comme dans l’essentiel de ses films, c’est d’ailleurs l’un des deux seul qui se passe dans le monde réel (avec Cagliostro), mais Miyazaki se rattrape en se permettant quelques folies dans la mise en scène, les songes de ce grand rêveur de Jirō étant l’occasion de scènes décalées et irréelles. La raison pour laquelle je l’ai trouvé meilleur que le cochon pilote car doté d’un aspect plus féérique. L’humour est présent, comme ce chef ingénieur de petite taille, irascible en apparence mais généreux à l’intérieur.
J’ai pu apercevoir dans la salle beaucoup de parents emmenant leurs enfants, pensant sans doute qu’un dessin animé allait être un parfait film pour les petites têtes blondes. Pourtant, « le vent se lève » traite de nombreux thèmes graves : les catastrophes, la maladie, la pauvreté et la guerre. Se rapprochant parfois de l’esthétisme du « tombeau des lucioles ». Une gravité compensée par un humour qui ne ridiculise pas l’ensemble.
Les images sont belles, montrant une campagne pas encore atteinte par l’industrialisation (où doivent encore œuvrer, sans doute, les étranges tanuki métamorphes).
« Maudis et bénis à la fois »
Les scènes affichant des avions –réelles mais le plus souvent oniriques- peuvent apparaître comme quelque chose de merveilleux, de splendide, où l’homme parvient à tutoyer le ciel, réalisant par là un rêve très ancien, qui l’habite depuis les pyramides de l’antiquité. Des avions colorés dans un ciel dégagé. Mais ces apparitions peuvent aussi s’avérer inquiétantes, signalant leur présence par un vrombissement terrifiant avant coureur de catastrophe imminente (même bruit que le tremblement de terre d’ailleurs). Gros appareils à la carcasse noire surgissant de nuages orageux. C’est un des thèmes cher à Miyazaki, le danger de la technologie au service des tendances destructrices de l’homme. Cette même tendance à laquelle un garçon innocent et une fille tombée du ciel ont du faire face, qui a forcé Ashitaka à quitter son village, à laquelle s’opposait le mystérieux propriétaire de la maison ambulant, et à l’origine des géants de fer que Nausicaa a du combattre.

Mais le film se concentre d’avantage sur la vie de cet ingénieur japonais que sur cette thématique. Jirō subi plusieurs événements douloureux dans sa vie : un séisme violent qui met à feu Tokyo, la pauvreté, la maladie qui touche sa compagne… « Le vent se lève, il faut tenter de vivre », ce vers de Paul Valéry est citée à de nombreuses reprises, il évoque la nécessité de profiter de la vie malgré l’adversité, malgré le malheur qui nous touche, de passer du temps avec les personnes que l’on aime. De là un aspect émouvant, poétique, renforcée par les drames qui ont lieu. Une œuvre mature.

« Le vent se lève » n’est toutefois pas sans quelques défauts, à l’origine d’une certaine déception parmi les appréciateurs du maître, qui avaient une grande attente pour son dernier film (hélas…). Parfois du à une question de préférence, certains auraient préféré avoir plus de magie, ou retrouver le charme de ses premières réalisations. On peut, dans tous les cas je pense, lui reprocher une certaine longueur. Le film dure 2h, pendant lesquelles il n’y a pas vraiment d’enjeux dramatiques. Si à l’inverse de son partenaire qui s’en moque, Jirō n’est pas d’accord avec l’utilisation des avions qu’ils inventent, sa conscience ne le tiraille pas beaucoup non plus. Je m’attendais à un plus grand dilemme moral, petite déception à ce niveau là. Les événements se produisent rapidement, sans aucune indication du temps passé à l’écran. Les images sont traditionnelles, avec un côté rétro qui fait tout son charme, même si parfois j’aurais préféré qu’elles paraissent un peu moins « anciennes ».

Malgré ses imperfections, la durée surtout, j’ai bien apprécié, car on y retrouve la poésie, le charme, une part de réflexion et la beauté qui est propre au réalisateur. Mes préférés resteront toujours la princesse sauvage et la jeune fille prisonnière d’un monde d’esprit et de fantôme, chefs-d’œuvre de beauté fantastique inégalables (les premiers que j’ai vu). Je pourrais difficilement classer les autres, mais l’ingénieur rêveur se situe sans doute facilement dans les cinq premiers.

Le vent se lève, il faut aller voir ce film
Enlak
8
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le 20 févr. 2014

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