Il faut profiter que la chaine cablée TCM (à ne pas confondre avec la TMC de la TNT) mette en replay les 7 westerns réalisés par Budd Boetticher entre 1957 et 1960 et qui ont pour point commun d'être tous interprétés par Randolph Scott. Je peux les revoir avec un immense plaisir car là on est dans le haut du panier de la série B. Boetticher s'était imposé dès le premier de ces 7 westerns avec Sept hommes à abattre qui le plaçait d'emblée comme un petit maître de la série B de qualité, ici il confine au sublime, c'est clairement un des jalons représentatifs de cette crème de la série B attachante.
Ah que j'aime ce bon vieux Randy dans sa panoplie de justicier, le visage buriné et doré par le soleil, la mâchoire crispée, et vêtu de ses vestes en cuir élimé ; ici, il incarne un justicier assez ambigu qui refuse de voir la vérité en face, même au prix de la mort d'un ami, en cela, le final est plutôt désabusé et mélancolique.
Decision at Sundown n'avait jamais été distribué en France avant d'être diffusé à la Dernière Séance au début des années 80, je me souviens que ce film m'avait vivement marqué, je crois que c'était le premier que je voyais avec Randy, je n'ai vu les autres qu'après en VHS ou à la Dernière Séance car M'sieu Eddy est un grand fan de Randy et de Budd, et j'y souscris pleinement.
Lors de cette diffusion, le film portait donc son titre original, il n'a été affublé d'un titre français que plus tard, qui encore une fois induit en erreur, car si on a un vengeur en la personne de Randy, il n'est pas question de vengeance au crépuscule, toute l'action se déroulant de jour, c'est un effet de la méprise sur le mot Sundown qui ici est le nom du patelin où se déroule l'action, et non la traduction de "crépuscule". C'est idiot car le titre original est révélateur, c'est bien à Sundown que se joue une décision capitale.
Randy incarne donc Bart Allison venu venger la mort de sa femme dont il rend responsable Tate Kimbrough, un ruffian qui tient la ville avec une bande à son service dont un sheriff véreux et couard. Bart se pose en ange exterminateur, mais au fur et à mesure de l'action, son comportement devient plus ambigu, cependant Boetticher a su éviter le manichéisme qui est souvent propre au western et qui aurait pu banaliser ce film. Il décrit avec beaucoup de justesse la vie paisible de la petite ville de Sundown devenue soudain le champ clos d'une vengeance longtemps ruminée, mais en apparence seulement car depuis l'installation de Kimbrough, les habitants ont changé, ils sont devenus résignés et n'ont pas leur destin en main. On le sent dès l'arrivée de Bart Allison en ville, chez le barbier, au saloon, il jette un froid et fait clairement comprendre que Kimbrough semble être une crapule. Ce qui est formidable c'est que les habitants qui au départ sont pro-Kimbrough, vont changer d'opinion au fil des événements, Bart Allison leur rend service et leur ouvre les yeux.
Le film se présente comme un catalogue du genre : des personnages maîtres de leurs actes, jusqu'aux plus décisifs, hommes et femmes décidant de la manière dont ils vont agir, en faisant un choix auxquels ils tiennent, un récit au dynamisme concentré que libèrent brutalement quelques explosions de violence, et l'utilisation magistrale d'un décor urbain puisqu'ici, le décor de la ville fait figure de huis-clos. A l'excellente peinture psychologique des protagonistes, correspond une succession de scènes d'action, vigoureusement dirigées par la maîtrise nerveuse de Boetticher.
Le film est peut-être moins achevé que la Chevauchée de la vengeance et Comanche Station, et encore je ne sais pas, ça tient à peu en vérité tellement ce western est proche d'une certaine perfection ; il est remarquable de voir comment un gars comme Boetticher parvient à utiliser avec talent les conventions et les archétypes du western de série B, et à créer une dramatisation soutenue et des personnages qui ne sont pas des fantoches, et tout cela en 74 minutes, c'est la preuve d'une efficacité implacable. Le tout est servi par d'excellents seconds rôles entourant la vedette Randolph Scott : Noah Beery, Karen Steele, Andrew Duggan, John Carroll, John Archer, James Westerfield, Vaughn Taylor, Ray Teal, Valerie French...

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le 6 mars 2021

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Ugly

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