L'allégorie m'a échappé mais il est vrai qu'il est tentant de voir dans cette histoire de capitaine de bateau tyrannique une évocation de l'Europe sous le joug d'Hitler — le film sort en 1941, année de Pearl Harbor. Sous les traits du jeune Edward G. Robinson, le capitaine Wolf Larsen règne en dictateur violent et colérique et maltraite allègrement ses sujets tout en leur faisant miroiter de fausses promesses de richesses futures. En réalité, il ne s'agit que d'une fuite en avant sur l'eau.


Un petit côté théâtral, dans la semi-unité de lieu, se fait sentir lorsque se retrouvent par hasard sur ce même bateau pirate un écrivain, une femme évadée du bagne et un pickpocket poursuivi par la police. La dynamique de groupe n'est pas extrêmement travaillée et se limite à quelques aléas, lorsque la troupe sent que le leader sombre dans ses faiblesses, violent mal de crâne et cécité passagère. Quelques personnages secondaires servent de relais narratifs pour maintenir une forme de tension dramatique durant une grande partie, que ce soit à travers la figure du docteur constamment bourré qui alterne entre séquences comiques (on le fait décuver à coups de baffes et de seaux d'eau) et tragiques (il faut faire une transfusion de sang dans des conditions déplorables, voire aussi son acte suicidaire très théâtral du haut d'un mât) ou encore le personnage féminin d'Ida Lupino qui bien évidemment attire la convoitise sur un bateau pareil bourré de testostérone.


La dimension de film d'aventures ne trouvera cependant jamais de quoi s'enraciner solidement, au final, et le plus intéressant des personnages, à savoir le capitaine autoritaire, aurait vraiment gagné à être davantage développé, au-delà de sa collection de bouquins en éthique et ses tirades du genre "mieux vaut régner en enfer que servir au paradis". Une jolie tirade est à noter, ceci dit, lorsque l’écrivain demande au capitaine Wolf d’expliciter sa philosophie :


"I held that life was a ferment, a yeasty something which devoured life that it might live, and that living was merely successful piggishness. Why, if there is anything in supply and demand, life is the cheapest thing in the world. There is only so much water, so much earth, so much air; but the life that is demanding to be born is limitless. Nature is a spendthrift. Look at the fish and their millions of eggs. For that matter, look at you and me. In our loins are the possibilities of millions of lives. Could we but find time and opportunity and utilize the last bit and every bit of the unborn life that is in us, we could become the fathers of nations and populate continents. Life? Bah! It has no value. Of cheap things it is the cheapest."

http://je-mattarde.com/index.php?post/Le-Vaisseau-fantome-de-Michael-Curtiz-1941

Morrinson
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le 8 oct. 2020

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