Non ce film ne traite pas d'alcoolisme. Mais d'évasion. Quoique les deux s'avèrent finalement assez proches : on boit pour s'évader et on s'évade aussi pour boire, mais revenons à nos matons...


Jacques Becker n'a pas mis de l'eau dans son vin mais plutôt les petites gamelles dans les grandes pour proposer en 1960 un film qui fera polémique parce que nous "attachant" à des prisonniers dont on saura finalement assez peu de choses. Effectivement, dans Le Trou, les dialogues ne présentent globalement pas la psychologie ou l'histoire des cinq hommes de la cellule 6 - en dehors de celles du nouveau - mais racontent plutôt le présent, la solidarité nécessaire à la réussite de l'entreprise, et les moyens pour y arriver...


Et comme la musique n'existe pas une seule seconde dans ce film - en dehors du très bon choix fait pour le générique final - je vous laisse imaginer l'atmosphère austère, froide et réaliste à l'intérieur de cette cellule et de ce fameux trou... On se prendrait presque pour le sixième détenu.
Après donc une petite présentation somme toute assez étrange, le noir et blanc magnifique de cette prison - qui ne sera par la suite quasiment filmée que de l'intérieur - nous montrera la méticulosité avec laquelle les matons vérifient l'intérieur des colis, celle des pliages de cartons par les prisonniers, mais surtout l'acharnement qu'il faudra pour venir à bout du ciment et des pierres de la cellule, et plus tard des égouts...


On peut effectivement dire que Jacques Becker passe du temps sur les phases de creusage... Et si la première m'a laissé relativement dubitatif, j'ai fini par comprendre et ressentir la force de cette idée : on est en immersion avec ces hommes obligés de patience et d'abnégation pour la liberté - qu'il ne méritent peut-être pas d'ailleurs... Mais là n'est pas la question. Parce que des idées pour s'en sortir, Dieu sait si Roland, le petit génie du groupe, en a. C'est un festival ! Tout y passe. Et même si quelques-unes d'entre elles peuvent paraître un peu faciles (le passe-partout notamment), c'est un délice d'ingéniosité, comme de mise en scène.


Je suis en revanche un tout petit peu moins convaincu par les acteurs. Il faut un peu de temps pour s'habituer à eux, même si leur amateurisme - notamment au niveau de l'élocution pour certains - peut éventuellement ajouter au réalisme... Tiens, un truc en passant : c'était interdit les coups de poings à l'époque ? Ou c'est parce que la gifle laisse moins de traces ? Mario et surtout Luigi en ont pris plein la gueule en tout cas ! ;)


Quoi qu'il en soit, Le Trou monte lentement mais sûrement en intensité pour totalement nous cueillir sur la fin. C'est bien simple, le film s'avère tellement réaliste qu'à un moment j'en ai eu des petites palpitations de tension et d'inquiétude : chose qui ne m'arrive que trop rarement devant un film. Faut dire que le dernier des plans par le "petit bout de la lorgnette" c'est du pur génie, et plus encore qu'un tremblement de terre, si vous voyez c'que j'veux dire...


Une claque. Un très grand film.

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le 21 janv. 2016

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RimbaudWarrior

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