Libre adaptation du roman de Esparbec Amour et popotin, ce film retrace l'histoire d'un jeune bourgeois fringuant emprisonné avec quatre autres gaillards après avoir tiré sa femme. Ensemble, ils vont se monter un plan génial et pénétrer dans les égouts pour échapper au joug d'un avenir très tendu. De petites gâteries en collations bien heureuses, un lien va se créer entre les cinq prisonniers, si bien qu'ils en sont certains : ils finiront tous ensemble par la petite porte, celle des égouts menant à la liberté. Leur chemin promet d'être savonneux...


Jacques Becker emprisonne le spectateur-voyeur dans une aventure charnelle qui fait la part belle au psychologies profondes et avenantes, comme en témoigne ce respect fraternel notamment entre Philippe Leroy, Raymond Meunier et Marc Michel, des "amateurs" superbes et méconnus qui touchent particulièrement. Dans Le Trou, rien n'est simulé ni obstrué, même si toute l'intrigue se concentre sur cette évasion qui nous prend par les sentiments. Le réalisateur devient maître du temps, de ce temps que personne ne tient en main si ce n'est lui, laissant durer le plaisir de certains dialogues ou de certaines scènes, enfonçant un peu plus le spectateur conquis dans une tension qui serre le cœur. Seuls et livrés à eux-mêmes, ils jouissent de l'aide d'un personnage ayant déjà vécu cette expérience, Jean Keraudy. Un récit parfaitement réalisé, où le réalisme et l'entraide giclent de toute part, comme pour rappeler qu'ils sont humains avant d'être prisonniers et qu'ensemble, ils peuvent tous avoir un désir en commun.


Ce huis clos est une grosse réussite, tant dans le fond que dans les formes, comme avec ce Gaspard relié aux autres par un visage immaculé, dont son histoire sera la seule contée, symptomatique d'une solidarité branlante difficile à avaler depuis le départ. Les regards forts, la témérité, la bande-son à l'authenticité explosive, la méfiance, le confinement jusque dans des gros plans qui étranglent, l'amitié versatile, les corps sculptés recouverts de pierre et de sable, tant de raisons d'être époustouflé par ce Trou ouvert à toutes les sensibilités, et notamment la plus belle, l'humanité. La fin est à la hauteur de nos espoirs déchus, bouleversante, ironique, et si dure. Elle est une leçon de vie, pas toujours très juste.


Alors, non, la prison n'a pas de culotte, mais un boxer, car là-bas, “Les paroles s'envolent, mais les coups restent.”

EvyNadler

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