Sami est dans de sales draps : alors qu'il était le traducteur officiel de l'équipe olympique syrienne en 2000 à Sydney, il commet une immense bourde en insinuant que les Syriens n'étaient pas tant que ça attristés par la mort du président Hafez el-Assad. Ce coup de poignard dans le dos de son gouvernement va forcer notre cher protagoniste à aller crouler des jours heureux en Australie, là où nous autres spectateurs pensons que tout ira pour le mieux. Mais il n'en est rien.
Sitôt que Sami quitte le confort de Sydney pour remettre les pieds dans son bercail poussiéreux, il est entrainé dans une spirale infernale qui va se révéler être une véritable expérience immersive pour le spectateur. Autant dire qu'après avoir regardé Le Traducteur, nulle ne voudra aller visiter ce qui reste de la Syrie. Entre le sniper qui vous surveille tandis que vous passez à l'épicerie, le type qui s'arrête à côté de votre voiture pour vous faire une remarque ou pour vous mettre une balle dans le buffet, le gouvernement disséquant chacun de vos mots prononcés au téléphone ou encore les corps entreposés au milieu de ruines et attendant d'être identifiés par leurs familles attristées, le film dresse un portrait terrifiant de cette guerre civile tout en y apportant un capital humain puissant. Qui pourrait reprocher à Sami de vouloir sauver son frère par tous les moyens et qui pourrait rester de marbre devant la frustration de sa soeur cadette ? Une belle aventure humaine dans un véritable enfer.
La crainte constante que l'on ressent devant Le Traducteur est renforcée par une réalisation bien exécutée et très efficaces car jouant très bien avec l'univers paranoïaque dans lequel évoluent les personnages. On obtient ainsi d'excellente scènes comme celle avec le dialogue silencieux sur Word afin d'éviter de se faire entendre ou encore la séquence de cachette derrière une voiture. Des moments forts auxquels se rajoute une certaine violence graphique. Bref, le film n'a pas peur de choquer.
Mon seul vrai reproche à Le Traducteur serait peut-être qu'il n'utilise pas assez le concept de traduction pour faire avancer l'intrigue. Le personnage aurait pu exercer une tout autre profession que ça n'aurait pas changé grand chose au récit (hormis l'incident de Syndney bien entendu). Mais le film va à l'essentiel et nous fait clairement comprendre que traducteur, c'est un sale boulot. Un seul petit mot de travers et tout s'effondre. Sami est un chateau de cartes, et comme lui, on ressort effondré de la salle mais néanmoins impressionné par la prouesse.