Je me fais toujours de la peine de constater qu’au moment ou j’ai découvert le troisième long-métrage du studio Ghibli, je n’ai absolument pas rejoint l’avis général qualifiant cette adaptation de la semi-autobiographie d’Akiyuki Nosaka comme un des plus beaux films d’animation et l’un des plus larmoyants qui m’ait été donné de voir. Déjà parce que sur le moment, je suis passés par deux passages principalement : l’indifférence la plus totale pour tout ce qui arrivait à Seita et Setsuko, puis ensuite le stade de la lassitude dû à un manque total d’attachement que j’ai éprouvé vis-à-vis de ce film.


Donc pas la peine que je me retienne dans ce que je pense, quand bien même on pourrait me traiter d’insensible ou d’incohérent alors que j’ai été ému devant un film de super-héros comme Logan ou que j’ai versé des larmes devant Voyage jusqu’en enfer de Michael Cimino : ce Ghibli… il n’est pas bon, ni en tant que film d’animation du studio, ni en tant que film de Takahata et c’est même un parfait exemple de tire-larme qui est incapable d’être cohérent ou fin avec ce qu’il narre.


Néanmoins, les premières minutes avant l’apparition du titre semblent pleine de promesse : nous dévoilant d’avance le destin du jeune Seita sans le recours à une ambiance musicale, à la peau presque squelettique et vivant ses derniers instants après la fin de la seconde guerre mondiale dans une gare, sous le regard des passants horrifiés et sorti de l’atmosphère de guerre qui va régner pendant le reste du film là ou le champ de luciole dans lequel vivent Setsuko et Seita désormais représentent leur salut avec les notes musicales plus tendres et saupoudré de mélancolie du thème principal composée par Michio Mamiya.


J’avoue en revanche ne pas être très client du chara-design développé pour ce film (ainsi que pour Souvenirs goutte à goutte) très carré au niveau du visage et aux expressions faciales moins fluide et plus alourdi que dans d’autres long-métrages ou même d’autres films d’animations Ghibli qui ont un style visuel différent de la plupart des productions du studio, comme Nos voisins les Yamadas. Mais ça c’est juste un ressenti personnel, pas un défaut du film donc je ne vais pas insister.


Après, la reconstitution historique durant la seconde guerre mondiale sur le territoire japonais est une réussite et l’effet est très saisissant durant la première attaque subie par la famille de Seita et Setsuko dans la ville de Kobe. Là encore, la musique est absente, l’imagerie résume très bien le contexte trouble, chaotique et même désespéré des habitants et des deux jeunes enfants (dont Seita confronté au corps meurtri et condamné de sa mère et devenant responsable de sa sœur). Si après Takahata n’est pas toujours très à l’aise avec les moments plus léger quitte à tomber dans la niaiserie, on arrive à s’identifier à eux et à vouloir chercher du réconfort dans l’insouciance du quotidien.


Sauf que c’est à partir du moment où la tante de Seita et Setsuko se montre très stricte voire cruelle avec eux que ça part en eau de boudin. D’abord parce qu’il n’y a aucune transition temporel précise lorsque la tante se montre d’un seul coup aussi sévère avec ces deux enfants au niveau de la nourriture alors qu’il y a à encore quelques instants elle se montrait bienveillante.


L’idée de la montrer plus froide et amère à cause du manque de nourriture, des conditions de vie actuelle au Japon et du manque de moyen est bonne en soit surtout pour responsabiliser Seita et Setsuko afin de gagner leur vie, mais ça arrive comme un cheveu dans la soupe et de manière tellement brutale qu’on a du mal à comprendre pourquoi elle fait soudainement preuve d’autant de dureté (il aurait fallu ajouter 15/20 minutes de plus au film pour que ça tienne).


D’autant qu’Isao Takahata transforme petit à petit Le tombeau des lucioles en un tire-larme très facile pour appâter un public qui était déjà dans le film après la première demi-heure. A commencer par les allusions nombreuses à la mère de Setsuko et Seita (avec toujours une enfant qui retrouvent sa mère au moment ou Seita ou Setsuko passent dans le coin) afin de nous rappeler avec de gros sabot que leur mère est morte et qu’elle manque à Setsuko, chose qu’on a déjà tous compris depuis belle lurette donc étant totalement superflu et qu’il aurait été plus pertinent de développer les deux enfants au lieu de ça qui n’ont au final pas beaucoup de personnalité.


Ensuite par le traitement complètement raté de Setsuko et Seita qui décident de se barrer de chez leur tante pour vivre en indépendant… ok alors, juste pourquoi ? Quel foutu gamin japonais serait assez attardé et inconscient pour partir vivre en solitaire en pleine seconde guerre mondiale alors que le Japon est la cible de bombardement et qu’ils n’ont quasiment rien pour survivre seul à long terme ? A la limite si c’était juste une fugue passagère et que Seita et Setsuko revenaient ensuite pour apprendre à travailler afin de gagner leur croûte et qu’ils finissaient par être victime des bombardements malgré tout, ça passerait encore.


Mais même pas ! Je sais que ce ne sont que des enfants et qu’ils peuvent prendre des décisions parfois abruptes ou non rationnel… sauf qu’il y a une différence entre une décision maladroite selon le contexte dont on finit par apprendre ses erreurs et le fait d’agir comme des idiots finis. Dans Le Roi Lion quand Simba faisait une erreur durant son enfance au point de mettre en danger son entourage, il en prenait conscience et évoluait par la suite. Takahata veut émouvoir son public (et il y est arrivé vraisemblablement) mais il en oublie de faire réagir de manière pertinente ou crédible ses personnages ou de traiter certaines étapes plus longuement qui auraient pu apporter une tournure intéressante.


Et ce n’est pas Seita qui se comporte comme le dernier des frères irresponsable qui va arranger l’affaire,


surtout quand sa sœur est en pleine malnutrition, qu’elle est proche de rendre l’âme et qu’il n’a même pas l’idée simple de retourner chez sa tante pour lui demander de l’aide et s’engager à trimer pour gagner son pain (c’est pas tellement mieux pour Setsuko d'ailleurs).


Incapable de bon sens qui serait naturel dans d’autres circonstances et inconscient alors qu’il a assisté de près à un bombardement dans la première demi-heure, et du coup c’est pas possible de s’attacher ou de s’intéresser à lui. Et je ne peux pas me sentir attristé ou investi pour un crétin pareil, même lorsque l’heure fatidique approche j’en ai juste rien à secouer si celui-ci ne peut s’en prendre qu’à lui même.


Personnellement j’ai terminé le film sur un gros sentiment d’indifférence lorsque je l'ai vu la première fois (revoir des extraits m'a pas aidé à l'apprécier plus), aucune peine pour les deux enfants qui ne sont au final pas très attachant mais aucune satisfaction quand on sait que le film ne pensait surement pas à mal avec ce drame.


Histoire de relativiser, ça n’en fait pas une horreur ou un navet pour autant, surtout par rapport à ce que plusieurs studios américains nous pondent en ce moment et d’autres mauvais films d’animation de l’époque. Il y a même des choses à sauver, certaines idées qui auraient gagné à être mis en image pour colmater les trous et facilités d’écriture, d’autant que la musique est d'assez bonne facture. Mais ça ne suffit pas à me faire oublier mon désintérêt pour ces deux enfants et à qualifier ce film, malgré tout l'amour que semble lui porter le public global, comme le vilain petit canard du studio. Isao Takahata a été capable de bien plus fort et crédible, que ça soit émotionnellement avec Le Conte de la Princesse Kaguya ou en comédie avec Nos voisins les Yamadas.

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le 29 déc. 2017

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