Où vont les lucioles lorsqu'elles s'éteignent ?

C'est muni de mon doudou Kermit et de mon poids en mouchoirs que j'insère délicatement le disque dans le lecteur. Il faut au moins ça pour survivre à une oeuvre aussi éprouvante que "Le tombeau des lucioles", chef-d'oeuvre de l'animation japonaise mise en scène par le grand Isao Takahata, adapté du roman de Akiyuki Nosaka.

Dès les premiers plans, Takahata détruit tous nos espoirs de lendemains heureux, d'échappatoire miraculeuse pour ces deux gosses paumés en pleine guerre mondiale, le film étant narré du point de vue de leurs deux âmes errantes, dont le souvenir est ravivé par une poignée de lucioles.

Du conflit en lui-même nous ne verrons que ses conséquences sur la population, la chute de l'empire du soleil levant réveillant le pire individualisme et la fausse charité chez l'être humain, quand elle ne broie pas littéralement les plus innocents, les moins préparés à tant de souffrance.

En grand équilibriste qu'il est, le cinéaste parvient à éviter avec justesse tout misérabilisme, parvenant sans mal à nous émouvoir à partir de simples gestes, d'un simple regard, d'un simple moment d'évasion, tout en ne cachant rien de l'horreur de la situation et de son issue inévitable. Des instants précieux, "Le tombeau des lucioles" en regorge, l'émerveillement enfantin de la jeune Setsuko et l'acharnement de son frère Seita pour illuminer ces jours sombres nous touchant au plus profond de notre être.

Si l'animation a forcément un peu vieillit compte tenu de son âge, elle n'en reste pas moins d'une efficacité à toute épreuve, restituant à la perfection les attitudes et les mimiques d'une enfant en bas âge, donnant vie à des personnages terriblement attachants, dont le destin tragique aura raison des plus endurcis.

Porté par la partition magnifique de Yoshio Mamiya, formellement somptueux et d'une poésie à vous fendre le coeur, "Le tombeau des lucioles" n'a pas usurpé sa réputation de classique de l'animation, bijou aussi tendre que jusqu'au-boutiste, bouleversant témoignage de deux existences sacrifiée par la connerie humaine. Je ne sais pas pour vous, mais moi je n'oublierais jamais le rire de la petite Setsuko ni la détermination de Seita.

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le 16 mai 2013

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Gand-Alf

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