Dans "The Grey", John Ottway, est l'humble exécuteur d'une compagnie pétrolière. Son travail consiste simplement à en protéger les employés en abattant les bêtes sauvages qui rodent autour des exploitations. Alors qu'il ajoute simplement un animal à son tableau de chasse, sorte de grand loup gris, l'homme est pris d'un accès de mélancolie de trop et tente de mettre fin à ses jours. A l'instant fatidique, un hurlement retentit dans la forêt, véritable appel de la nature qui semble lui signifier qu'il doit une vie au monde animal. Plus tard, alors qu'il voyage dans un avion de ligne parmi d'autres travailleurs, l'appareil subit plusieurs anomalies en plein vol et se crash dans les montagnes. Commence alors une lutte pour la survie, loin de toute civilisation humaine...

Si le film débute en dépeignant un monde humain désincarné, où la vie semble avoir perdu tout son sens pour le héros, John va trouver en l'adversité un moyen de s'accomplir et de se révéler aux yeux des autres. Dés le début de l'aventure, il prend le rôle d'éclaireur et de meneur pour la petite troupe dont il va tenter de sauver un à un les membres, en vain. Impuissant face aux forces de la nature, John perdra peu à peu ses compagnons pour se retrouver seul avec lui-même. Au terme de son voyage, une révélation s'opère en lui (un rayon lumineux emplit d'ailleurs l'écran à cet instant), lui offrant une possibilité de rédemption. Le mystérieux poème écrit par son père trouve son sens lorsque John comprend le but de son parcours. Amené jusqu'à la tanière de la meute par le simple joue de la providence, il se résout à l'idée que ses actes ont été déterminés par une force supérieure. Avant de se lancer dans la bataille, John, genoux au sol, joint les mains et dispose devant lui les portes-feuilles de chacun des membres qui appartiennent désormais à sa propre "meute". Dans l'affrontement qui se prépare face au chef de meute adverse, John semble avoir trouvé une raison de vivre, et de mourir. Vivre durant quelques jours pour protéger les siens, et mourir en défendant leur mémoire.

Durant tout son récit, Joe Carnahan met en conflit la civilisation et la sauvagerie avec un plaisir certains, comme le montrent divers clins d'oeils faisant référence aux premiers âges de l'Humanité (les personnages font office de proies face aux loups et veulent se réfugier dans les arbres, le groupe utilise des torches pour éloigner les prédateurs...). Ainsi, l'homme se fait tour à tour victime et lui-même capable des pires sauvageries (l'un des survivants décapite un loup pour provoquer la meute). Cependant, on remarque que les personnages adoptent un état de contemplation au moment de mourir (un homme voit sa fille apparaître auprès de lui avant de basculer, un autre admire le paysage et tente d'en saisir la beauté avant de rendre son dernier souffle). Les cris des loups, amplifiés en post-production, et leur taille gigantesque en font des monstres démoniaques et irréels, comme s'ils étaient le fruit de l'imagination et des légendes humaines.

Encore un combat,
Le meilleur que je connaîtrai jamais,
Vivre et mourir en ce jour.
Vivre et mourir en ce jour.

Le poème qui révèle en fait le dernier acte, est d'une grande simplicité. Néanmoins, la répétition des deux vers finaux sonnent comme l'écho de la complainte du poète qui se heurte au silence de Dieu. Comme un aveu de solitude dans le vaste univers dont l'être humain n'est qu'une infime partie. A moins qu'il ne s'agisse de l'écho de Dieu lui-même ? Quoi qu'il en soit, un doute plane autour de ces vers pour le héros qui semble s'être questionné mille fois sur le sujet. Au dernier instant, il appartiendra à chacun d'en déduire la réponse...

Pour conclure, je dirai que "The Grey" est un film sur un homme qui trouve la foi dans l'adversité, la lutte pour les siens et contre des forces qui le dépassent. Le personnage est traité comme un condamné qui faute d'avoir vécu sa vie avec moral et dignité, décide de donner un sens à sa mort en ritualisant son passage vers l'autre monde. Dans un dernier acte, l'homme affronte une bête majestueuse et divine, par la force de ses poings et de sa volonté. Une bête qui a tout d'un ennemi intime. Carnahan ne manquant d'ailleurs pas de nous rappeler le penchant animal de chacun tout le long de son film, avec des dialogues lubriques qui en fatigueront certains. Néanmoins, le film a le mérite de proposer un sujet de fond avec un Liam Neeson convaincu et convaincant !

Arthurtonglet
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le 16 déc. 2023

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