Le Successeur
6.8
Le Successeur

Film de Xavier Legrand (2023)

Ça fait vingt ans qu’Ellias n’a pas vu son père, vingt ans qu’il l’a fui, qu’il a mis un océan entre eux. Pourquoi ? On ne saura pas vraiment, mais on perçoit un rejet brutal, viscéral presque, des rancœurs tenaces surgies d’on ne sait où, d’on ne sait quoi, peut-être des violences quand Ellias était enfant, peut-être autre chose… À la mort de ce père honni, Ellias, créateur de mode parisien très en vogue, doit retourner à Montréal s’occuper des obsèques. C’est dans la maison de son père qu’Ellias va découvrir que celui-ci lui a laissé, en héritage, un terrible secret. Une découverte qui l’entraînera dans une spirale infernale, un engrenage macabre, lui qui pourtant s’était si résolument décidé à rompre les ponts en pensant briser la transmission d’une apparente violence.

Adaptant très librement un roman d’Alexandre Postel (L’ascendant), Xavier Legrand filme là encore, après Jusqu’à la garde, la paternité comme une menace, et la figure du père comme celle d’un ogre au visage respectable. Face à elle, de révélations en dérobements, d’apparences en non-dits (qui est vraiment cet homme qui se dit avoir été le meilleur ami de son père ?), Ellias (Marc-André Grondin, qu’on avait peu revu en France depuis C.R.A.Z.Y.) se montrera incapable de gérer les conséquences du réel et la force de ses affects, rattrapé par une sorte d’inéluctabilité de son destin. Et celle aussi de liens familiaux dysfonctionnels telle une malédiction aux accents de tragédie (Sophocle et Shakespeare ne sont pas assumés par Legrand pour rien).

Le film a quelque chose d’assez déroutant au final, au-delà de la noirceur de son récit. Prenant, mais pas forcément original ; empruntant à plusieurs genres (un peu de thriller psychologique, de drame existentiel, de néo-noir, d’horreur à quelques moments…), mais pour en faire quelque chose qui ne surprend pas vraiment (hormis ce qu’Ellias apprendra de son père) ; cohérent, mais reposant sur les choix improbables, à la limite de l’invraisemblance, de son personnage (nombre de spectateurs les ont d’ailleurs rejetés et rejetant, de fait, le film en entier). Car il faut une sacrée dose de ce qu’on appelle «suspension d’incrédulité» pour les accepter, ces choix (éventuellement les comprendre : peur du scandale, réminiscences d’un passé traumatique, ne pas vouloir devenir le fils de celui qui…), et donc entériner tous les enchaînements narratifs du film jusqu’à son dénouement qui, lui aussi, pourra prêter à discussion.

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mymp
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le 26 févr. 2024

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