Le Souffle au Cœur est de ces films des années 70 qui respirent un profond regard, teinté de mépris, pour la culture des années 50. Pour Louis Malle, comme pour tant de ses comparse cinéastes, cette décennie marque profondément la médiocrité française teintée d'une nostalgie qui n'a plus sa place dans la France d'après guerre. Le changement est en marche mais ces gens ne le savent pas encore. Et Laurent Chevalier (Benoît Ferreux), le héro du film aurait pu devenir un de ces parisiens intellectuel, méprisant et si avide de vivre vraiment dans le Paris des années 60 de Rohmer.

Le souffle au Cœur est annoncé comme un film sur l'inceste. Laurent Chevalier âgé de quinze ans, fils de gynécologue, élevé dans une famille bourgeoise, tombe malade. Pour se soigner il est envoyé en cure avec sa mère et petit à petit des rapports incestueux naissent. Voilà, en quelque ligne le synopsis du film.
Quelle ne fut pas ma surprise de voir que l'on m'avait menti. D'une part parce que l'inceste n'est qu'à peine présent, occupant les 10 dernières minutes du film et ne se trouvant pas être décisif. Je doute, moi-même de sa réalité, ou du moins, de son degré de réalité. Préliminaire, coït ? Pas de réponse claire. A un point que l'intérêt même de son existence m'échappe.
Les rapports avec la mère sont pourtant très présents dans le film et ceux dès le début. Ils sont là, ils sont traités, on le voit. C'est intéressant sans pour autant être central.

Car ce qui est central, c'est Laurent, 15 ans. C'est son rejet, de toute chose. Tout en restant très révérencieux. C'est son amour pour sa mère, ses frères. C'est son intelligence. C'est sa passion pour le jazz. Avec intelligence, Malle développe des problématiques propres à l'adolescence, mais aussi à une certaine critique sociale mais aussi intellectuelle.
On notera l'aspect très réaliste du film, notamment dans le sentiment d'amour fraternel largement présent. On sera peut être un peu gêné par certaines scènes, mais elles ne sonnent que d'avantage vraie. Et finalement, une grande partie du film se cristallise autour de Laurent et de ses deux frères.
Sommes toute, voir la vie de cette famille est déjà assez plaisant et occupe une bonne partie du film. On la voit à travers le regard de Laurent, un regard d'amour, de respect, teinté de prétention et d'une rancune envers son père. C'est ce regard là qui devient celui du spectateur.

La cure enlève ses personnages connus et place Laurent (et le spectateur) dans un univers hostile où seule la mère fait figure d'élément connu. Là encore on se colle à Laurent et l'intrigue n'en est que plus intéressante, se concentrant désormais sur l'aspect profondément individualiste de Laurent. Les quelques mois qui sont filmés dans ce film montrent donc l'adolescence total de ce jeune homme. Ses cigares, ses clopes, ses disques volés, ses premières expériences sexuelles. Tant de choses qui sonnent vrais et qui sont si bien mises en scènes.
Car malgré un vrai côté réaliste et honnête le film se remarque également par le soin apporté aux dialogues, totalement charmant et de haut niveau. Les répliques fusent à un point que j'ai beaucoup ri. Laurent ayant une véritable répartie qui semble presque inspirée par Gainsbourg tant elle est bonne, cynique et judicieuse par moment.
Le film jouit aussi d'un soin précieux dans la mis en scène mais surtout dans la musique. L'oeuvre est empli de jazz de qualité, particulièrement dansant qui contribue à l'atmosphère festif du film.

Malgré cela, on reprochera deux chose. Premièrement, l'inceste, amené trop brutalement dans sa réalisation, bien que le spectateur s'y attende obligatoirement à cause des échos du film. Mais, qui, en dernière instance, n'offre rien. Cet élément apparaît presque comme gratuit, inintéressant et aurait gagné à être soit traité autrement dans sa réalisation, soit justement non réalisé. Ca respire un peu la volonté de choqué gratuitement.
Le film souffre aussi de sa longueur et de sa difficulté à tenir le rythme tant il semble découpé en deux parties bien trop distincte : Dijon et la cure. Le film fait donc long et quelque fois on s'ennuie et on en sort. Le rythme narratif et la mise en place réaliste n'aide pas à maintenir le spectateur concentré durant tout le long de l’œuvre et je crois vraiment que pour ce type de film, deux heures est un peu trop élevé. D'autant plus que toute la cure amène, en sommes, bien peu d'idée nouvelles mais surtout des situations auxquelles Laurent est confronté.
Il y a cependant quelques éléments très intéressant, comme la nuit avec Daphné et l'union de la cellule familiale, notamment autour du père qui rit de bon cœur. Mais finalement, les propos de cette seconde partie tiennent souvent plus de l'ajout non nécessaire, très agréable certes, et justifiant la cure, mais qui n'amènent pas d'idée directrices nouvelles. Cependant, tout se développement semble nécessaire pour justifier les deux trois scènes réellement importantes.

Il ne me reste plus qu'à voir The Candidate de Jérémy Larner qui a battu Le Souffle au Cœur en 1972 aux Oscars.
mavhoc
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le 15 mars 2015

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mavhoc

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