Couvrez ce passé que je ne saurais voir

"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre"

- Winston Churchill.

Face aux heures sombres d'un État, plusieurs possibilités s'offrent à lui; il peut engager un travail de mémoire, bien que difficile, ne rien faire ou oublier et faire oublier ce passé.

L'Espagne, à défaut d'être passive, a pris la décision d'être active dans l'obstruction du travail de mémoire. En effet, alors que le pays est en pleine transition démocratique, la loi d'amnistie est votée, empêchant la poursuite des crimes franquistes, et empêchant de facto la poursuite des responsables qui ont servi Franco et qui participent alors à cette transition.

Mais le pacte de l'oubli va même plus loin; les individus ne savent plus même qu'est-ce que Franco et son État espagnol signifient, quel est le poids des d'atrocité qu'ils portent. Atrocités que des plaignants décident de porter devant les tribunaux pour que justice soit faite; ils se sont fait enlever leurs enfants par des médecins aux visions eugénistes, ils veulent donner une sépulture aux membres de leurs familles exécutés et enterrés dans des charniers, ils ont été torturés et loi d'amnistie oblige, il leur faut aller en Argentine pour pouvoir mener un procès. Des avancées sont permises mais souvent, l'Espagne entrave le bon déroulement du procès en refusant par exemple d'extrader des tortionnaires pour que ceux-ci soient jugés en Argentine.

Tel est le lourd périple que ce documentaire nous fait suivre, périple de ceux qui luttent pour la justice, face au silence assourdissant des autres.

Et malgré la gravité du sujet, que de beauté dans ce film documentaire. La réalisation nous permet d'être absolument plongé dans cette quête de justice et émeut profondément.

J'aimerai plus précisément relever deux plans dont la beauté est encore marquée dans mon esprit. Ces deux plans se situent vers la fin du film, au milieu d'un ensemble de plans montrant sous différentes coutures un des rares monuments érigés en hommage aux victimes du franquisme, monument par ailleurs baptisé par le fer d'une balle peu de temps après son inauguration.

Le premier plan montre ainsi une des statues d'homme du mémorial à côté de laquelle se tient une petite fille, la main posée sur la pierre de la sculpture; c'est la jeunesse qui ignore tout de l'horreur, que le devoir de mémoire délaissé oublie, qui touche du bout des doigts ces heures sombres; c'est beau.

Le second montre ces statues tournées vers l'horizon où le soleil se lève; les heures sombres regardent vers le futur, sans savoir la place qui leur y sera faite, futur dans lequel l'aube semble cependant poindre; c'est magnifique.

9/10 et les mots manquent.