Le Samouraï est un film bien mené pour plusieurs raisons.Jean Pierre Melville parvient à allier sa mise en scène et son scénario (ce qui était loin d’être le cas sur le Doulos par exemple).Jeff Costello,le tueur à gages taiseux et solitaire du film,dégage une classe tragique (formidablement incarnée par Alain Delon qu’on croirait sorti du tableau Nighthawks de Hopper) et le spectateur sent que ce contrat du night-club va tourner au vinaigre.Loin de magnifier le criminel,Jean-Pierre Melville veut nous montrer ses ressources face à la police et son commanditaire.L’exergue au tout premier plan sur la comparaison de l’attitude du samouraï aussi seul qu’un tigre dans la jungle n’est donc ni déplacée ni de trop.Cela a été un plaisir de voir un Melville habité et accessible,où chaque son (le bruit du canari de Costello,des pas dans le métro par exemple) participe à l’impact de scènes puissantes travaillées au millimètre.Le rythme jouant savamment entre lenteurs et accélérations permet de ne pas décrocher de l’action et de vouloir à tout prix où elle nous mène.Revoir aujourd’hui ce film de la fin des années 60,c’est concevoir l’artisanat et l’énorme boulot en amont de la réalisation pour arriver à ce résultat léché et maîtrisé.Le Samouraï ou un énorme moment de cinéma où le second rôle avait droit au chapitre (voir la scène superbe entre le flic voulant coincer Costello et Jeanne Legrand,véritable duel de dialogues et de postures).L’utilisation des regards et des silences aussi,véritable marque de fabrique de Melville.Bref,tant qu’il passe encore sur nos petits écrans,arrêtez vous sur ce petit bijou méritant largement le détour.