Le Sabre infernal
7.4
Le Sabre infernal

Film de Chu Yuan (1976)

Le Sabre Infernal commence par une fête, l'ambiance est à la joie de vivre : ça danse, ça boit, ça sourit.
Et très vite, un puissant guerrier, caché dans l'ombre, ramène sa fraise. En l'espace de quelques secondes, le lieu est déserté par les fêtards, les chants de libation ont laissé place à un silence tendu dans lequel deux as du sabre se préparent à un combat à mort. Et aussitôt, la rage meurtrière se déchaîne, les sabres s'entrechoquent dans un fracas d'acier, mais le cours du combat change lorsque deux tueurs à gages interviennent, forçant les deux belligérants à s'allier contre eux et à faire cause commune contre leur employeur, Maître Yu, un vieillard qui compte régner sur les arts martiaux en dérobant les Plumes de Paon, une arme magique aussi invincible que terrifiante.
Oui, vous avez bien deviné, on est dans du pur Wu Xia Pian fantastique estampillé Shaw Brothers, sans histoire de vengeance, par contre, ce qui est rare pour un film issu du légendaire studio hongkongais.


A partir de là, c'est un succession de combats quasiment sans temps mort contre les sbires et les lieutenants de Yu, qui sont chacun définis par un trait de caractère et une manière de combattre, qui est également leur nom de code : Poème, Luth, Grand-mère démoniaque, Epée, etc...
Offrant au film une très grande diversité dans des affrontements sanglants à grands coups de sabre dans la tronche, allant du classique combat à l'épée au pain qui contient des pics (à un moment, même, les héros affrontent les hommes d'un fan d'échec...sur un plateau d'échec géant, et ils sont fringués comme des pions ou des cavaliers, sur le papier ça semble tout à fait grand-guignolesque, mais en pratique c'est complètement stylé), que Chu Yuan parvient à rendre prenants et nerveux en filmant souvent ses acteurs de près, avec une caméra (parfois même à l'épaule) très dynamique et pas statique du tout, nous faisant ressentir leur chaos, leur vitesse et leur intensité, que ce soit en 1 vs 20 ou en 1 vs 1.


Bien entendu, il prend malgré tout le temps de poser ses enjeux et ses personnages dans des scènes de dialogue dont les plans larges permettent d'apprécier des décors beaux et colorés, rappelant une scène de théâtre, et par extension l'opéra chinois, l'un des fondements du cinéma hongkongais (décors où prédomine d'ailleurs la couleur rouge, histoire de symboliser le danger de mort qui plane sur l'ensemble du récit).


Mais faut quand même parler des héros, de ce duo , composé d'un as du sabre richissime et richement habillé interprété par Lo Lieh (la Main de fer, la Guerre des clans...), qui ne parvient pas à se détacher de son obsession de devenir le plus puissant, mais qui sert surtout de side-kick au gros, très gros point fort du Sabre Infernal : son héros, interprété par un Ti Lung (Blade of Fury, le Syndicat du Crime...) qui donne le meilleur de lui-même, guerrier romantique super classe et incroyablement puissant, bien que sans le sou, errant de par les routes en quête d'une femme aimée, et portant un poncho, qui (tout comme la plupart des costumes du film) résume très bien sa condition de vagabond, en plus d'être une inspiration évidente du personnage de Clint Eastwood dans la Trilogie du Dollar de Sergio Leone.


Il sera de plus, lors de la révélation de ouf guedin du twist final, forcé de choisir entre une continuation de sa vie d'errance dans l'anonymat, ou devenir le n°1 des arts martiaux, et donc un pacha auréolé de gloire et fortuné, mais le condamnant tôt ou tard à être mis à mort par plus fort que lui. Un rapport à la gloire rejoignant celui du manga Afro Samurai, de Takashi Okazaki, et de pas mal des bouquins fantasiesques de David Gemmell :


"Es-tu donc si bête, Connavar ? Que vaut donc la gloire ? (...) Est-ce qu'elle apporte le repos de l'âme ? La gloire est ephémère, c'est une putain qui passe d'un client à un autre."
Rigante, tome 1 : l'Epée de l'Orage, de David Gemmell.


Au final, l'un des meilleurs films de sabre de la SW, avec un trailer qui résume bien sa substantifique moelle. Foncez le voir.
Mais quand même, le héros, il est VRAIMENT très classe avec son poncho.

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le 15 déc. 2019

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