Très agréable surprise !
Je ne savais rien du film au moment de le lancer – sur la seule foi de son réal –, mais son titre et son affiche m’évoquaient spontanément un programme sérieux (on n’est jamais qu’en 1964…) ; aussi ai-je été très surpris de me retrouver devant un huis clos (en fait adapté d’une pièce de théâtre du même nom), qui plus est humoristique. Mais passé cette surprise, je dois dire que je me suis bien amusé, et c’est bien là l’essentiel.
Alors je ne saurais pas distinguer ce qui vient de la pièce homonyme de Vahé Katcha – que je n’ai pas lue, donc – de ce qui sort de la plume du dialoguiste – et habituel collaborateur de Christian-Jaque – Henri Jeanson, mais j’ai retrouvé dans ce Repas des fauves tout le sens du bon mot de ce dernier (déjà à l’œuvre dans une foultitude de films français de la même époque) : les échanges entre les personnages sont ainsi continuellement farcis de traits d’esprit ingénieux, de tournures amusantes et de piques cinglantes, qui sont autant de caresses à l’oreille délicate de l’amoureux du beau verbe que je suis (en toute modestie s’entend).
Une prose réjouissante qui plus est débitée par une galerie de comédiens tous impeccables, et en particulier un Francis Blanche absolument délicieux en tonton industriel collabo qui ne s’assume pas (il faut l’entendre nous expliquer que, d’accord il fait du business avec les Allemands, mais attention : il les arnaque, ce qui fait de lui un résistant !).
Bref, c’est rigolo comme tout, et malgré son sujet grave sur le papier (sept amis doivent choisir les deux d’entre eux qui vont être livrés aux Nazis – et à terme probablement abattus), je me suis bien marré à regarder ces personnages se déchirer progressivement, en commençant par essayer de défendre chacun leur cause respective, d’expliquer diplomatiquement pourquoi eux auraient moins de raisons de mourir que les autres… pour finir, l’heure tournant, par s’envoyer leurs quatre vérités dans la gueule et expliquer aux autres pourquoi eux auraient plus de raisons d’y passer après tout.
L’habituelle soirée entre amis/famille qui tourne mal me direz-vous, un concept bien éprouvé depuis ; mais celle-ci avec un enjeu grave et une échéance angoissante qui pèsent au-dessus des personnages, rendant l’issue de ce « repas de fauves » mine de rien assez incertaine (j’avoue avoir envisagé bon nombre de conclusions plus ou moins optimistes) ; et surtout un contexte – l’occupation allemande – qui rend le spectacle vraiment savoureux, les lâchetés et hypocrisies de ces braves citoyens français trouvant (fort curieusement) toujours une résonnance contemporaine.
Et encore, le charme opère toujours en 2023, mais qu’est-ce que ce devait être à la sortie du film, à peine vingt ans après la Libération, quand la majorité des spectateurs avaient alors vécu ces évènements... ça devait rire jaune chez certains. Et ça devait être quelque chose de voir ça avec son tonton/pote collabo qui n’assume plus trop depuis. La promesse d’un moment partagé réussi !
(Perso, j’aurais été résistant dès la première heure, et je n’ai pas honte de le dire !)
Bref, c’est à bien des égards assez savoureux, et inutile de préciser (mais je le fais quand même) que l’heure trente-cinq passe toute seule…
Encore une belle découverte au CV du décidemment bien éclectique Christian-Jaque, donc !
Et je retiendrai le nom de Vahé Katcha, que je pensais inconnu au bataillon, mais qui était en fait déjà l’auteur de l’Œil pour œil de Cayatte (très bien aussi, dans un tout autre style).