Un bagarreur, Jerry en est un, pour sûr. Du sang irlandais coule dans les veines qui zèbrent sa tête de pioche au moment où il monte dans les tours. Aussi, quand les congressmen du Capitole vote l'entrée en guerre des États-Unis le 6 Avril de l'année 1917, s'engage-t-il dans le célèbre 69e régiment de New York, qui fit la gloire des yankee et les cauchemars du général Lee. Mais tout prompt qu'il soit à la violence, Jerry est un piètre militaire et bien mauvais "frère de sang" : l'autorité, la discipline, les marches forcées de nuit et les levers claironnants sont autant de mots symbolisant des idées qui ne font pas partis de son vocabulaire. Tout comme ceux de "camaraderie" et de "solidarité". Non, tout ça ne colle pas vraiment avec son image de l'armée... Néanmoins, et malgré la désapprobation quasiment unanime du corps militaire, Jerry est envoyé avec son régiment dans les tranchées boueuses et gelées des plateaux enneigés des Vosges pour combattre la redoutable armée allemande déjà endurcie par trois années de guerre. Welcome to the suck doughboy. Les grands discours qu'il tenait jusque là (à savoir qu'en gros il rentrerait le dos courbé sous le poids de ses médailles) ricochent et partent à présent à la dérive dans l'épais manteau de ténèbres qui sépare sa position des lignes ennemies. Comme les tirs allemands qu'essuie son casque. Comme la peur viscérale qui s'empare de ses pensées. Bientôt la culpabilité s'ajoutera à la peur et son nom à la liste sans fin des morts sur le champ d'honneur.

The Fighting 69th est injustement oublié et légèrement sous-estimé par ceux qui s'en souviennent et donne notamment l'occasion à Jimmy Cagney de montrer à tous quel acteur incroyable il était. Sa composition de dur à cuire insolent et provocateur loin des lignes et de froussard maladroit et hors-de-contrôle sous le feu ennemi est l'une de ses meilleurs. Elle renvoie à celle qu'il livra deux années plutôt dans Angels with Dirty Faces sous l'égide de Curtiz et entre curieusement en résonance avec celle dont il gratifia les dirigeants de la Warner toute sa vie. Les points communs avec le film de Curtiz ne se limitent pas à la prestation de Cagney. En effet, The Fighting 69th peut être considéré assez logiquement comme le remake militaire d'Angels with Dirty Faces, tant sur la structure narrative que sur le message véhiculé : un prêtre bienveillant s'éprend d'une brebis égarée et corrompue au plus profond d'elle par une haine tenace envers elle-même, et l'emmène progressivement sur le chemin de la rédemption.

Comme en 1938 (date de sorti du film de Curtiz), c'est Pat O'Brien qui interprète le père (un rôle qui lui seyait décidément comme un gant) et Cagney la jeune tornade auto-destructrice. Le reste du casting est on ne peut plus classique pour un film de la Warner des années 30 et 40. On retrouve ainsi le vétéran Alan Hale en sergent bougon et bagarreur, l’inénarrable Guinn "Big Boy" Williams en sammies porté sur la bouteille et les filles ou encore Frank McHugh en comique de service... Il ne manque finalement qu'Errol Flynn pour compléter le tableau. Et Olivia... Mais non en fait puisque de femmes dans le film, il n'y en a tout simplement aucune. Du reste, que dire? La mise en scène est propre (sans être un virtuose de l'objectif, William Keighley savait pondre de bons petits films), la reconstitution bonne et les scènes d'action impressionnantes. A voir donc, ne serait-ce que pour l'interprétation dantesque de Cagney.
blig
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le 16 janv. 2015

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