C'est un film étonnant, au coeur de l'Amérique mais par certains aspects peu américain. Il n'y a pas de musique, juste des bruits d'extérieur (il y a un jeu là-dessus, car à chaque fois que le jeune Lon essaie de mettre de la musique, on le fait taire). Cela donne une dimension intimiste, proche de l'expérience vécue au film, qui n'a rien de spectaculaire.

On suit quelques jours de la vie d'une famille d'éleveurs du Sud des Etats-Unis. A part la bonne, Alma, (Patricia Neal), une femme mûre au menton en galoche qui ne fait pas confiance aux hommes, il n'y a que des hommes. Il y a le vieux Homer (Melvyn Douglas, étonnant en vieux paysan du Sud), qui refuse d'exploiter le pétrole de ses champs, parce qu'il ne croit qu'en l'élevage, qu'en le bien que l'on a soi-même produit. Il y a l'ado qui n'a pas encore connu de femme, Lon. Et puis il y a le rôle-titre en anglais, Hud, trentenaire coureur, buveur, grande gueule et irresponsable. On a les trois âges : ado, adulte, vieux, et Dieu sait qu'ils se font la guerre.

Ce qui saute aux yeux, avant même d'avoir vu que c'était James Wong Howe à la photographie, c'est le noir et blanc somptueux, d'autant plus étonnant que les décors sont assez mineurs : un intérieur de maison et sa véranda, des barrières de bétail, la ville avec son cinéma, ses diners, et bien sûr la prairie. L'espace est vécu, on s'y habitue et on a l'impression de connaître la propriété des Bannon comme notre poche.

Il y a ensuite la richesse psychologique, qui peut être vite ridicule quand Hollywood se met au western, mais qui est ici bien contenue. Il y a des répliques qui claquent, mais le comportement de Hud n'est pas "bigger than life" : quand il y a un problème, il est capable de sortir de son égoïsme. Mais bon, c'est rare. Les acteurs savent garder la mesure, de Melvyn Douglas à Paul Newman, qui retrouve ici un rôle assez proche de celui de bûcheron borné dans "Les irréductibles". Et que dire de Patricia Neal, qui arrive à dégager une sensualité faulknérienne tout en ne se mettant pas du tout à son avantage, les épaules cassées par les tâches ménagères et les pieds traînants.

Le problème central du film, c'est le devenir de l'exploitation quand on apprend qu'une vache achetée récemment au Mexique est morte, peut-être de la fièvre aphteuse. L'évolution autour du personnage d'Alma est un autre aspect intéressant, mais globalement on n'a pas l'impression d'un enchaînement de scènes : tout semble se développer comme de manière organique. Il y a un sens du rythme qui mise sur le quotidien ; c'est assez européen, diablement juste, sans bons sentiments, et cela rappelle un peu Simenon. Le scénario est donc difficile à évaluer : les dialogues sont bien, et l'enchaînement des situations parfaitement cohérent, mais au final on se demande un peu si le film ne s'est pas trop attaché à un lieu, à des personnages, sans se demander dans quelle direction il devait aller. Le naturel c'est bien, mais il manque un peu de tragédie pour peaufiner le tout.

Un très beau film d'atmosphère, inattendu et fort peu américain.
zardoz6704
8
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le 12 janv. 2013

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zardoz6704

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