Une Dose d'Ecologie Punitive

Au détour d'un dialogue le personnage incarné par Guillaume Depardieu nous fait cette confession : "J'ai voulu devenir flic car je pensais que c'était comme dans les films américains, sauf qu'en vérité c'est plus comme dans un téléfilm français". Une petite phrase qui convient merveilleusement bien au Pharmacien De Garde, premier film et presque unique réalisation de Jean Veber (Fils de Francis) qui espérait sans doute nous offrir un grand thriller à l'américaine pour finalement nous servir un mauvais téléfilm pour France 3 Bretagne. Le Pharmacien de Garde s'inscrit aussi dans toute cette vague balbutiante et peu convaincante de cinéma de genre français du début des années 2000 dans laquelle on trouvait en vrac Belphégor, Brocéliande, Promenons nous Dans les Bois ou Bloody Mallory.

Le Pharmacien de Garde nous raconte l'histoire de Yan Lazarec un aimable pharmacien (rarement de garde d'ailleurs) qui se transforme en bras vengeur de la cause écolo-sanitaire en supprimant tous les industriels responsables de mettre notre santé en péril. Pollueurs, industriels du tabac ou de la cosmétique utilisant des animaux en laboratoire, personne ne semble échapper à cet exalté romantique de la nature qui concocte ses poisons dans le sous sol de sa pharmacie. Un jour lors d'une réunion anti-OGM , Yan va rencontrer et sympathiser avec François un jeune idéaliste et romantique sans savoir qu'il est le flic qui enquête sur ses méfaits.

Même si le film est assez platement mis en scène et ne parvient jamais à installer le moindre climat tendu propice au thriller, on pardonnera bien plus facilement le travail sans fulgurances de Jean Veber en tant que réalisateur plutôt que celui qu'il nous propose en tant que scénariste et dialoguiste. Entre le trop et la pas assez, l'écriture du film est une véritable catastrophe qui ne trouve jamais le ton juste et fait irrémédiablement sombrer le film vers le nanar et le ridicule. Le pas assez concerne l'histoire et l'aspect thriller du long métrage qui semble parfois partir dans tous les sens sans jamais proposer un suspens digne de ce nomt. On pouvait espérer un fascinant et tendu jeu du chat et de la souris entre ce flic et cet assassin devenus amis, on devra se contenter d'un étrange jeu de séduction crypto-gay sur fond de romantisme écologique. Le film s'égare parfois aussi dans des digressions qui tombe comme un cheveux dans la soupe à l'image de la traque ridicule d'un cinglé hirsute dans une cave d'immeuble dont je me demande encore ce qu'elle vient foutre là. Le scénario manque de consistance pour que l'on puisse tout à fait croire à cette histoire d'écologie punitive orchestré par un aimable et psychotique pharmacien reprenant l'héritage de l'ordre des druides sanguinaires . Quant à l'ambiance globale, elle manque singulièrement de mystère et d'inconnu pour attiser un minimum d’intérêt. Trop évasive et parfois limite crétine l'histoire du film flirte aussi avec le fantastique comme lorsque notre pharmacien élève et domestique des coccinelles qu'il envoie ensuite tel un escadron d'avions de chasse parfaitement cordonné afin de transmettre un poison mortel, outre le ridicule de la scène les effets spéciaux numériques n'aident guère à croire une seule seconde à cette séquence assez mémorable. L'occasion pourtant de saluer un point positif avec les maquillages signés Benoit Lestang qui sont une des rares mais franche réussite du film.

Si dans ce qu'il raconte ce Pharmacien De Garde en fait bien trop peu, que ce soit dans la construction de son intrigue ou la mise en place du moindre suspens il en fait en revanche des tonnes sur d'autres aspect de son écriture. Je commencerais par la galerie bien gratinée des personnages qui sont quasiment tous ratés. Si Vincent Perez s'en sort plutôt bien dans le rôle forcément caricaturale du psychopathe exalté par sa cause, Guillaume Depardieu se retrouve desservi par un personnage d'amoureux mélancolique limite dépressif et de flic nonchalant, amorphe, désabusé et végan. Et que dire des rôles secondaires entre un Pascal Légitimus en travesti qui aime aller au zoo la nuit pour se faire lécher l'oreille par une antilope et Laurent Gamelon en flic bien beauf qui pète, qui rote, qui fume et bouffe des burgers aussi gras que ces blagues de cul qu'il raconte un sourire au coin des lèvres avec un regard caméra complice. A noter aussi le petit rôle de Kad Merad en médecin légiste avec une combinaison blanche de la tête au pied qui le fait ressembler à un spermatozoïde géant On sent aussi chez Jean Veber une volonté de nous servir du dialogue qui claque à chaque réplique, sauf que personne ne parle comme ça dans la vraie vie en essayant de faire un bon mot à toutes les phrases, du coup tout finit par sembler bien creux et très artificiel. Si quelques bonnes répliques surnage comme lorsque Yan (Vincent Perez) déclare pour justifier ses actions : "Personne ne reproche à un jardinier de retirer les mauvaises herbes" la plupart du temps ça tombe lamentablement à plat. Le film baigne aussi dans une ambiance étrangement gay friendly dans laquelle quasiment tous les rôles féminins sont montrées comme des sources inépuisables de souffrance pour les bons bonhommes fragiles que nous somment. Ce constat pousse même notre brave pharmacien à les éliminer comme si les pauvres étaient aussi nocives pour l'humanité qu'un pollueur sans scrupules; la femme comme menace sanitaire elles apprécieront à coup sûr la comparaison . On notera d'ailleurs une scène assez hilarante durant laquelle François (Guillaume Depardieu) observe de loin son ex petite amie à la terrasse d'un restaurant qui dîne avec son pote avec qui elle le faisait cocu et qu'il s'écrit soudainement offusqué comme dans une tragédie grecque : "Oh Non !!! elle mange de la viande – Elle est végétarienne et elle mange de la viande" . Décidément ces bonnes femmes sont toutes de manipulatrices, menteuses tout juste bonnes à faire souffrir nos petits cœurs tout bleus. Du coup François décide d'aller s'installer dans une vieille ferme en Bretagne avec Yan histoire de vivre d'amour, d'eau fraîche, de plantes vertes et d’amitié viril. Tout semble ainsi s'enchaîner un peu à la va comme je te pousse jusqu'à un bien trop long final resserrant l'intrigue sur une confrontation psychologique de bazar entre les deux personnages principaux.

Le Pharmacien de Garde est une franche réussite dans le domaine du ratage mais l'ensemble est involontaire assez amusant pour passer un bon moment. Alors en cas de déprime et de forte fatigue, mais sans dépasser la dose prescrite un petit coup de Pharmacien de Garde pourrais bien vous redonner le sourire.

Ma Note Nanar : 06/10