La lumière occupe une place importante dans le cinéma de Jacques Tourneur, à l'image de son western Le Passage du Canyon. En effet, on y suit la vie quotidienne d'un village de pionniers où à la nuit tombée, la seule source de lumière dans les chalets sont des bougies ou lampes à huiles dont on sent que le moindre souffle pourrait les éteindre et plonger l'endroit dans l'obscurité.
Cette image à elle seule constitue une parfaite métaphore du film, les personnages de l'intrigue étant tous sujets à une part ténébreuse sommeillant en eux et pouvant prendre le dessus à tout moment. C'est aussi une belle manière de résumer cette vie de pionniers, une vie fragile qui met du temps à se mettre en place mais qui peut se retrouver balayée en quelques secondes par une attaque d'indiens.
Le Passage du canyon n'est donc pas un film optimiste comme la plupart des westerns de l'époque. Il n'y a pas de héros avançant en ligne droite et aidant à bâtir une nouvelle société qui prospérera. Ici, rien n'est stable et tout est voué à un éternellement recommencement (relancer son activité, reconstruire une ville après une énième attaque d'indiens, etc...). Le héros du film, Logan Stuart, est un parfait symbole de cette philosophie, lui qui passe son temps à faire des allers-retours entre Jacksonville et Portland pour effectuer des livraisons.
Toutefois, Stuart est loin d'être le seul protagoniste de ce film vu que Tourneur s'intéresse aussi à énormément d'autres pionniers du village, donnant à son oeuvre des allures de film choral. Il insuffle une vie à tous ses personnages, n'en reléguant aucun au simple rôle de figurant. Pour lier tout cela, il ajoute un personnage de musicien/troubadour, absent du roman original de Ernest Haycox, incarnant l'oeil du spectateur et commentant les différentes situations dont il est témoin.
Avec tous ces différents aspects, Le Passage du canyon se révèle être une plongée aussi belle que nostalgique dans le quotidien des pionniers.