Dans un style très éloigné des films les plus connus de Wojciech Has comme La Clepsydre (ou même La Poupée) qui déployaient (ou plutôt déploieront) une toile onirique extrêmement vigoureuse par-dessus un récit particulièrement ambitieux, Le Nœud coulant se présente comme l'immersion dans le quotidien d'un jeune alcoolique polonais d'une trentaine d'années. Le noir et blanc, l'ambiance stressante, les cadres exigus, tout porte à croire que l'on est dans un univers qui n'a rien à voir avec le voyage dans un étrange sanatorium doublé d'un voyage dans le temps du film précédemment cité. On se croirait presque dans un film noir américain, entre la sonnerie du téléphone déclenchant une angoisse viscérale ostensible chez le protagoniste et la présence de stéréotypes à peine esquissés.


Mais rien de tout cela : c'est l'histoire d'un alcoolique qui a décidé d'arrêter de boire mais qui doit attendre une journée avant de pouvoir commencer son sevrage en bonne et due forme. Une journée à être confronté à tout le microcosme qui connaît (voire participe à) sa réputation d'ivrogne, avec ceux qui le traitent comme un moins que rien en le rappelant sans cesse à sa triste condition ou la cohorte de camarades de bouteille. Cette journée dans la vie de Kuba, l'homme incarné par Gustaw Holoubek (très crédible dans son rôle, notamment au bar avec l'alcool qui semble transpirer par tous ses pores), s'apparente avant tout à une errance triste, une trajectoire qui cherche à s'extraire d'un cycle infernal mais qui se transforme sans cesse pour renouer avec un cercle vicieux.


L'anxiété omniprésente traverse sans mal l'écran pour développer une paranoïa kafkaïenne, à mesure que le personnage évolue dans les rues, dans les bars, jusque dans son appartement. Un homme qui tente désespérément d'échapper à son isolement mais qui échoue dramatiquement, laissant derrière lui un nuage alcoolisé hypnotisant. Absolument tout le ramène à cette obsession, à son addiction. Même une horloge et l'aiguille qui tourne s'impose comme un symbole oppressant à ses yeux. La bouteille de vodka comme principal antagoniste d'un simili film noir : le schéma était quand même très peu prévisible.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Noeud-coulant-de-Wojciech-Has-1958

Morrinson
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films 1958, Cinéphilie obsessionnelle — 2021 et Réalisateurs de choix - Wojciech Has

Créée

le 20 janv. 2022

Critique lue 109 fois

4 j'aime

12 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 109 fois

4
12

D'autres avis sur Le Nœud coulant

Le Nœud coulant
Avestita
8

On coule et on coule ...

Comme tout bon film polonais, ce film est très poignant et tellement véridique ! Oui, quand on tombe dans l’alcoolisme, ce n’est pas facile de s’en détacher... mais malheureusement beaucoup de...

le 21 févr. 2018

5 j'aime

5

Le Nœud coulant
GabrielBaroukh
9

Un film poignant

Un film excellent aussi bien sur le plan de la réalisation, que du jeu d'acteur. En plus du grand soin accordé à l'esthétique par le réalisateur ce film à le mérite de traiter de la misère humaine...

le 28 févr. 2014

5 j'aime

Le Nœud coulant
Morrinson
7

Na zdrowie

Dans un style très éloigné des films les plus connus de Wojciech Has comme La Clepsydre (ou même La Poupée) qui déployaient (ou plutôt déploieront) une toile onirique extrêmement vigoureuse...

le 20 janv. 2022

4 j'aime

12

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11