"I think its the most exciting sound I've ever heard."

Au sein de la première partie de la filmographie de David Lean (que j'associerais à une exploration du mélodrame empreinte de classicisme), The Sound Barrier est un film qui détonne. À commencer par son sujet, qui ancre le récit dans l'époque contemporaine de sa sortie : on découvre une usine de construction aéronautique, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, construite par un riche magnat du pétrole qui souhaite réaliser des expérimentations dans la conception d'avions supersoniques. Et absolument tout tournera autour de cela, la dimension supersonique du vol, c'est-à-dire des appareils capables d'atteindre des vitesses supérieures à celle du son (environ 340 m/s soit 1200 km/h).


Première chose étonnante : Lean fait le choix d'inscrire sa fiction dans un contexte qui a toutes les apparences du documentaire, ou plutôt du biopic, comme si on revivait la découverte des expérimentations qui auraient conduit au franchissement du mur du son éponyme... sauf que dans la réalité c'est un pilote américain qui dépassa cette limite en 1947, 5 années avant la sortie du film, pour la première fois de l'histoire de l'aéronautique. Et Lean choisit d'ignorer totalement cela dans le cadre de sa fiction. L'effet produit est assez intéressant, produisant un certain inconfort constructif et un léger flou dans l'arrière-plan, au-delà de la narration, vis-à-vis des intentions.


La seconde chose qui surprend, et qui s'inscrit dans un cadre plus conforme à l'image que l'on peut avoir du cinéma de David Lean, c'est que le cinéaste britannique investit cette thématique aéronautique non pas au travers du prisme technique, scientifique (même si le film regorge d'éléments factuels) ou même patriotique, mais plutôt à l'aune de l'impact de ces essais sur un personnage féminin. Car la fille du propriétaire fortuné du site, interprétée par Ann Todd, verra plusieurs de ses proches risquer leurs vies — jusqu'à la mort. Son mari, ancien pilote de chasse pendant la guerre et nouveau pilote d'essai, périra au cours d'une expérimentation au seuil de Mach 1 (une fois la vitesse du son) tout comme son frère. Toute une trame émotionnelle est dédiée aux tensions entre cet homme et cette femme, comme si les deux étaient insensibles aux angoisses de l'autre (bon, surtout le père, qui donne l'impression de s'en foutre royalement de ruiner l'entourage de sa fille, mais passons).


C'est donc non sans une certaine surprise qu'on voit l'objet du film se positionner autour des relations se détériorer entre eux deux, sur fond d'un rêve, le franchissement de cette limite vu comme une étape décisive dans la conquête du ciel. D'un côté les passionnés, autour du père, comme aveuglés par l'exaltation d'un défi technique inintelligible au reste de la communauté, et de l'autre les sceptiques, autour de la fille, comme autant de points d'ancrage sur un pragmatisme humain et sentimental qui aurait pu être oublié.


https://www.je-mattarde.com/index.php?post/Le-Mur-du-son-de-David-Lean-1952

Créée

le 9 févr. 2024

Critique lue 9 fois

1 j'aime

Morrinson

Écrit par

Critique lue 9 fois

1

D'autres avis sur Le Mur du son

Le Mur du son
FrankyFockers
6

Critique de Le Mur du son par FrankyFockers

Un chef d'entreprise aéronautique est obsédé par l'idée de passer le mur du son, et pour tenter d'y parvenir va confier la tâche au pilote qui vient tout juste d'épouser sa fille. C'est avant tout un...

le 14 avr. 2013

3 j'aime

Le Mur du son
Morrinson
6

"I think its the most exciting sound I've ever heard."

Au sein de la première partie de la filmographie de David Lean (que j'associerais à une exploration du mélodrame empreinte de classicisme), The Sound Barrier est un film qui détonne. À commencer par...

le 9 févr. 2024

1 j'aime

Le Mur du son
YgorParizel
7

Critique de Le Mur du son par Ygor Parizel

Grand classique du cinéma britannique du XXème siècle, réalisé par David Lean. Le sujet de ce film est bien résumé par le titre, Le Mur du son car l'intrigue tourne autour de l'aviation, et plus...

le 16 oct. 2023

1 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11