Le Miroir est un film très personnel de la part de Tarkovski dans lequel on peut très vite se perdre, se questionner sans cesse sur la nature de tel ou tel personnage, sur leurs intentions, sur les buts poursuivis ; jusqu'à ce que l'on comprenne qu'il n'y a pas de réel intérêt à vouloir tout interpréter, à vouloir tout cerner.
C'est une fois la (quasi) dernière scène du film visionnée que l'on soulage enfin son esprit de toute préoccupation concernant le scénario, que l'on évacue toutes les questions liées à l'intrigue, pour mieux savourer la réalisation, se remémorer les sensations provoquées par la caméra perfectionniste du réalisateur. Les séquences d'une beauté cinématographique laissant le spectateur haletant sont nombreuses, de ces plans dans une nature verdoyante et sauvage où une maison isolée revêt le charme de l'enfance pour l'homme adulte malheureux se remémorant sa vie passée ; à l'éclairage défaillant d'une vieille lampe à mèche en passant par la beauté simple d'une femme.
L'actrice Alla Demidova crève l'écran et les cœurs, distillant larmes et sourires avec parcimonie pour mieux les mettre en valeur dans un visage un peu dur mais pourtant plein de charme.
Film à l'esthétique irréprochable, Le Miroir est une expérience un peu déstabilisante qui pourra un tant soit peu rappeler l’œuvre de Proust même si la recherche du temps perdu est ici bien plus personnelle là ou le romancier disait vouloir faire une littérature dans laquelle le lecteur puisse retrouver sa propre expérience en terme de sensations.
Le film dégage une ambiance très sombre, très pessimiste mais séduit, à l'image de cette séquence finale où la lumière et la beauté de la nature s'éclipsent lorsque la caméra recule et s'enfonce dans les bois de manière progressive, plongeant dans les ténèbres. Comme une mise en image du célèbre début de la Divine Comédie.