J'ai la tête encombrée de souvenirs encombrants. Tout a commencé sur la plage de Luc-sur-Mer. Ma mère nous avait tricoté à mon frère ainé et à moi des slips en laine. Sur chaque côté, deux ponpons décoratifs figuraient une cerise. Ce n'est pas tant le ridicule de cet ornement fruité qui me navrait, que le fait que ces slips ne séchaient jamais. Comme nous étions tout le temps fourrés dans l'eau la laine restait gorgée d'humidité du matin au soir et le sable nous collait aux fesses, mais surtout j'avais l'entre jambe terriblement irritée. Je me souviens qu'au bout d'une semaine de vacances, j'étais obligé de marcher les jambes écartées pour ne par hurler à chaque pas. J'en veux beaucoup à ma mère de nous avoir tricoté ces slips en laine et de nous avoir obligé à les porter quatre étés consécutifs. Mais je la remercie de m'avoir sans faire exprès incité à porter mon attention sur mes parties génitales. Cet été-là, je me suis rendu compte que je devais prendre soin de mes couilles.



Le mari de la coiffeuse, réalisé par Patrice Leconte, est une expérience sensuelle surprenante construit tel un songe fantasmagorique par le biais d'une subtile et délicieuse description sur la frénésie passionnelle. Un film délicat et envoûtant, évoquant avec sincérité les fantasmes d'un homme qui s'abandonne totalement à son obsession émotionnelle jusqu'à y construire sa vie à travers une histoire d'amour magnifique se passant dans un lieu improbable : "un salon de coiffure". Une histoire fondée tel un rêve éveillé, sexualisé par les souvenirs lascifs et libertins d'un bonheur idyllique qui illumine une grande partie du récit via une tension sexuelle palpable, jusqu'à la tragédie finale apparaissant telle une lamentation mettant fin au rêve par la complainte d'un désir transformé en une prison.


Jean Rochefort dans le rôle d'Antoine livre une subtile et incroyable performance pleine de vie qui déstabilise. Le comédien est rayonnant. Il incarne la passion à l'état brut, son visage transpire la dépendance pour sa femme Mathilde, qu'il examine attentivement avec soin, la fouillant du regard au point de modeler toutes les formes du corps de sa belle coiffeuse dont il est éperdument amoureux. Un sentiment passionnel synthétisé depuis son enfance via sa première expérience luxurieuse avec une coiffeuse ronde, charnelle et sensuelle au décolleté plongeant laissant apparaître une poitrine généreuse et voluptueuse, qui attise la jouissance et les plaisirs de la chair chez le jeune homme au point de devenir un véritable fantasme. Une expérience obsessionnelle, qui le poussera à épouser une coiffeuse.


Anna Galiena sous les traits de Mathilde incarne une femme indépendante qui possède son propre sallon de coiffure. Elle accepte rapidement d'épouser Antoine qu'elle vient de rencontrer, certainement parce qu'elle doit se sentir terriblement seule et que le fait de se voir autant désirée dans le regard passionné et sincère de cet homme, l'a poussé à accepter. La comédienne apporte une présence divine à son personnage, qu'elle fait exister à travers l'aspiration, l'ardeur, l'attirance, le désir et l'amour quelle prodigue à son mari qu'elle chérit et adore voire l'idéaliser. La relation entre Antoine et Mathilde, est autant magnifique qu'inhabituelle. Les deux tourtereaux s'abandonnent entièrement l'un à l'autre, au point de se créer un environnement idéologique à leur bonheur dans le salon de coiffure, qu'ils ne quittent que rarement. Une demeure synonyme d'un amour accompli et indispensable visité par les différents clients devenant des spectateurs de cette passion charnelle débordante. Le couple Galiena/Rochefort est merveilleux, on croit en cet amour qui les anime et dont ils sont totalement dépendants.


La réalisation de Patrice Leconte atteint des sommets par le biais de sa caméra qui décrit magnifiquement l'idéalisation du corps féminin à partir du regard fantasmé de Jean Rochefort, via une photographie somptueuse qui enlace le récit d'une poésie éclatante. La mise en scène transmet une palette atmosphérique d'une telle hardiesse et intrépidité passionnel qu'elle aspire allègrement le spectateur dans l'antre fiévreux et irrésistible de l'amour. Une technicité qui atteint un niveau de perfection surprenant en faisant une oeuvre d'art époustouflante, dans laquelle Jean Rochefort et Anna Galiena nous hypnotisent, avec cette caméra qui dépeint adroitement ce désir ardent, cette passion débordante de vivre entièrement pour l'amour, au prix malheureusement de gros sacrifices. Michael Nyman propose une composition musicale orientale originale, avec des choix de musiques sublimes et saisissants, qui apporte toujours plus de saveur et de fraicheur à cette histoire débordante. Les séquences se passant dans le passé à travers l'excellente narration de Jean Rochefort tiennent du génie, on plonge allègrement dans son subconscient pour mieux ressentir ses joies, ses peines et tout ce qui le façonne. Un travail de réalisation absolument parfait!


Plusieurs scènes cultes composent cette oeuvre. La scène d'ouverture présentant Antoine gamin en train de danser au gré de la passion dont il déborde et qui ne le quittera jamais, suivi de son intrépidité passionnelle avec la coiffeuse. Les séquences où Rochefort se met allègrement à danser sur une chanson orientale à son mariage mais aussi pour divertir un enfant refusant de se faire couper les cheveux, ou encore pour une raison plus triste avec la scène finale. Vient finalement la fameuse et magnifique scène où Antoine caresse sous la jupe de Mathilde l'entre jambe de celle-ci alors qu'elle lave au même moment les cheveux d'un client. Une séquence torride superbement mise en scène. Bien d'autres séquences marquantes sont à retenir, mais je vous laisse le soin de les découvrir.


CONCLUSION :


Le Mari de la coiffeuse est un chef-d'oeuvre que l'on doit à Patrice Leconte appuyé par une distribution en or avec les prestations captivantes de Jean Rochefort et de la charmante Anna Galiena. Une véritable poésie amoureuse sous tension sexuelle à travers une ode à la passion dévorante et débordante, filmée pratiquement entièrement dans un salon de coiffure symbolisant le délicieux rêve sexuel d'un jeune garçon devenu adulte.


Un chef-d'œuvre de sensualité!



J'avais environ 12 ans et j'adorais aller chez le coiffeur. Il y avait dans notre ville un salon situé dans un quartier calme, un salon dans lequel on ne coiffait que les hommes et qui était tenu par une Alsacienne très belle. La belle madame Sheaffer. Il n'y avait presque jamais personne dans son salon, il n'était pas utile de prendre rendez-vous elle n'avait pas de mari. Elle avait sans doute beaucoup d'amants. Moi j'aimais aller chez elle. En poussant la porte, une odeur épatante envahissait mes narines de lotion, de laque, d'eau de rose, de shampoing, une odeur d'ivresse. Mais l'odeur la plus extraordinaire, était l'odeur de madame Sheaffer elle-même. Cette femme était rousse, elle avait une odeur corporelle assez forte qui peut-être incommodait certains clients, mais qui moi, m'enivrait. C'est comme si son corps tout entier sentait l'amour. J'adorai ça. Le moment du shampoing était déjà un délice. Madame Sheaffer penchée sur moi, sa poitrine frôlant presque mon visage et cette odeur que je m'imprégnais en prenant de longues inspirations silencieuses. Le soir dans mon lit, je la respirais encore. Avec cette envie invraisemblable de la prendre dans mes bras. Un jour de juin 47, avant notre départ en vacances, il se passa quelque chose dont je devais me souvenir toute ma vie. Il faisait très chaud, elle sentait encore meilleur. Le soir, du jour, où j'aperçus ce sein un peu lourd, mais d'une rondeur idéale. Encore bouleversé par cette vision je restais parfaitement muet. Je restai assis une heure, fixant le plafond. Sans savoir, madame Sheaffer m'appartenait déjà. Son corps, son odeur était à moi. J'avais gagné. Plus tard, je serais le mari d'une coiffeuse.


B_Jérémy
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le 17 janv. 2021

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