Un cauchemar administratif datant de 1968 au Sénégal rappelant la France de 2023(&son illectronisme)

Une sorte (sur le fond) de mini Brazil de Terry Gilliam avant l'heure.

Loué quasi au hasard sur ma VoD Orange car j'étais surpris de le croiser: je suis ra-vi.

Drôle au début, il devient émouvant et plutôt triste.

Un homme reçoit un avis de mandat dont la somme d'argent est à récupérer à La Poste.

En attendant, sa famille commence à dépenser à crédit, comme dans 'Le gros lot' de Preston Sturges.

Dans 'Le Manteau' d'un Grigori Kozintsev en 1926, un fonctionnaire obsède sur un ...manteau: il fait des pieds et des mains pour l'obtenir enfin mais, comme Tom Hanks dans les rues neigeuses de Berlin Est au sein de l'excellent Pont des Espions, il se le fera vite voler.

Ici, c'est un mandat, envoyé de Paris par un neveu, qui obsède "Ibrahim Dieng" joué par un aimant à caméra que semble ce Makhouredia Gueye, que je ne connaissais pas: son personnage est tour à tour agaçant de machisme vieux jeu puis attendrissant face aux avanies et avaries (servi par deux femmes soumises, deux belles poires, il est d'une mauvaise foi et d'un culot, banal pour l'époque,

mais il devient touchant dans le labyrinthe que ce bon gros gras rat devra parcourir pour obtenir son fromage, un mandat...même pas tout à lui d'ailleurs.

Il passe par une série de négociations, d'emprunts, de commissions, d'abus, de mensonges, d'escrocs, de rencontre de gentils mais inutiles, de méchants mais utiles etc.

En choisissant la facilité, je dirais que ce Makhouredia Gueye me fait penser à un mélange de Raimu, Harry Baur, Galabru etc.

Tous les personnages s'adressent à lui comme s'il est "vieux", et certains l'aident car presque un vieillard pour eux: mais il m'a paru hyper jeune; quand je revois le film, à la première scène chez le barbier, je ne vois pas de barbichette plus blanche que les cheveux de Gandalf...

Cette ville du Sénégal devient le Château de Kafka.

Les individus successifs qu'il rencontre m'ont rappelé aussi ceux que croise la petite souris d'un film Hongrois, 'La dernière frontière' d'un Peter Gothar.

Je ne le retrouve pas mais il m'a aussi rappelé un film chinois ou asiatique où une pauvre femme est bringuebalée d'un fonctionnaire à un autre dans un long pénible périple administratif.

ps:
ps 1) je vois que j'avais croisé l'existence de ce film il y a deux ans car j'apprenais alors que c'était la première critique publiée d'un réalisateur/scénariste que j'aimais bien, Pascal Bonitzer,
et je l'indiquais en statut;
Il l'a publiée dans les Cahiers: "tapée par maman" racontait-il dans l'émission https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/pascal-bonitzer-les-cahiers-ont-revolutionne-la-maniere-de-voir-le-cinema

ps 2) une partie de mon texte a disparu mais c'est pas grave; je me demandais juste quel est le sens du dernier montage où , dans la détresse, il revoit alors tous les moments où il a été généreux et fait preuve de charité: est-ce à dire qu'il regrette avoir été aidant avec d'autres? est-ce un avis du réalisateur?

ps 3) en autre détail, je n'ai pas compris ce qu'il fait après avoir mangé au pied de son lit, quand il se met à quatre pattes, et rampe vers un bol au sol, qui semble rempli de chocolat ou terre, et il trempe ses doigts dedans, ça semble dure? Est ce de la terre de sa région de naissance? Est ce de la terre de la Terre Sainte?

ps 4) en autre détail, je l'ai revu et n'avais pas remarqué ma première fois qu'au début, il sort frais et heureux de chez le coiffeur et marchant, debout, il croise trois femmes qu'il recroisera à la fin, alors qu'il est très triste et avachi au sol...elles se serviront alors de ce qu'il porte...les épouses interrompant ce vol, qu'elles justifient en disant qu'elles le croyaient mort!

Ousmane Sembène me dit il que ce serait ici une coutume de dépouiller de leurs emplettes les morts dans la rue ?


ps 5) Boubakar de SC me donne envie de tenter un autre film du Sénégal au titre étonnant: https://www.senscritique.com/film/touki_bouki/448249

PierreAmo
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films africains et La mauvaise foi est épuisante et puissante: scène dans films

Créée

le 18 janv. 2023

Critique lue 82 fois

16 j'aime

13 commentaires

PierreAmo

Écrit par

Critique lue 82 fois

16
13

D'autres avis sur Le Mandat

Le Mandat
Boubakar
8

Un étranger dans son propre pays.

A Dakar, Ibrahim Dieng reçoit de la part du facteur un mandat de 25 000 francs CFA provenant de son neveu, qui travaille sur Paris en tant que balayeur. Seulement, il ne peut pas encaisser cette...

le 3 août 2021

3 j'aime

Le Mandat
Maqroll
8

Critique de Le Mandat par Maqroll

C’est une symphonie africaine et un très grand film, d’un très grand cinéaste. Tout est à l’unisson : scénario, mise en scène, jeu des acteurs. C’est une explosion de couleurs et de sons, d’odeurs...

le 12 juil. 2013

2 j'aime

1

Le Mandat
Jean-FrancoisS
7

Naissance du cinéma noir africain

Ousmane Sembène est considéré aujourd'hui comme le fondateur du cinéma noir africain. Ecrivain reconnue internationalement, il va se tourner vers le cinéma pour mieux atteindre ses compatriotes...

le 28 août 2022

1 j'aime

Du même critique

Emmanuel Macron, la stratégie du météore
PierreAmo
9

L'art de la comédie; apprenti Messmer; la beauté du diable; l'art du réchauffé; Margin Call-Girl

_Moi, membre de SC, je découvre qu'avant candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron a joué au théâtre dans sa jeunesse; un de ces premiers rôles a été dans...

le 29 nov. 2016

67 j'aime

63

Baby Driver
PierreAmo
10

'On connaît la chanson' visuel; 'Le Transporteur' chantant

(modifiée 08/01/2019 où j'apprends dans un bonus OCS que les chansons étaient choisies et leurs droits achetés 4 ans avant le tournage du film; les acteurs jouaient sur la musique avec parfois des...

le 18 août 2017

61 j'aime

54

Rencontres du troisième type
PierreAmo
10

si je tombe dessus en zappant, je suis perdu car je le regarde jusqu'au bout

Essayez de le voir en extérieur! Le cinéma sous les étoiles prend alors tout son sens: quand la bordure de l'écran se confond avec le ciel. Vu il y a des années dans un théâtre romain à ciel ouvert...

le 3 nov. 2014

61 j'aime

12