Chevalier Fayard, sans peur et sans reproche
Aaaaaaah Patrick Dewaere... la classe, le talent, la folie aussi, surtout peut-être.
Complètement à fleur de peau, investi par son personnage de juge incorruptible, il est comme souvent électrique dans ce film, acteur majeur de sa réussite.
Pas qu'il soit raté, non, mais la présence de Dewaere illumine l'histoire, alternant les coups de sang aussi vrais que nature (ce qui n'est pas surprenant si j'en crois ce que j'ai lu à propos du tournage) et les passages d'une douceur magique, comme si les contours de son visage, encadrant son sourire presque ingénu, perdaient de leur netteté pour nous offrir une gueule d'ange.
Vous pouvez ajouter à sa performance celle de Jean Bouise, que j'affectionne particulièrement, qui est parfaitement dans le ton et dans son rôle de Procureur à la fois aux préoccupations divergentes (voire opposées) du juge Fayard mais empreint d'une tendresse certaine pour le personnage de Fayard (et pas sa fonction), image d'un passé enfui où il avait lui-même eu l'opportunité de faire des choix similaires.
Il a choisi une autre voie, celle de la promotion, via le parquet et c'est le point de désaccord permanent avec la jeunesse révoltée, honnête et droite dans ses bottes incarnée par Dewaere.
La vision du réalisateur Yves Boisset n'est pas particulièrement optimiste (elle mélange plusieurs histoires vraies ceci dit), et laisse au final la part belle aux opportunistes et autres hommes d'affaires ou politiques véreux. La province des années 70 décrite dans le film est clientéliste, réactionnaire, endogame et pour tout dire pas franchement bandante.
Alors le petit juge jure dans ce décor, don Quichotte de gouttière, armé de ses petits bras, de ses dossiers, il part faire la guerre aux patriciens du coin, qui, engoncés dans leurs idéaux nauséabonds (d'anciens membres du SAC pour la plupart) ne comprennent même pas la position du juge.
Il sera successivement dessaisi d'un dossier, menacé (le lapin de son couple en subira les conséquences fatales), promu avant le climax du film.
Au passage, tout le monde en prend pour son grade, des autres juges pleutres aux syndicats manipulateurs en passant par la députation et les ministères... peu de réjouissance en vue donc, d'autant que le bilan une grosse trentaine d'années plus tard nous éclaire tristement sur l'absence de progrès dans le domaine.
A part la conduite routière qui me semble beaucoup plus sage aujourd'hui qu'à l'époque.