Quand Blake Edwards tourne un drame psychologique sur les méfaits de l'alcoolisme, il n'y va pas avec le dos de la cuiller. Le Jour du vin et des roses est un film terrifiant qui montre la descente aux enfers d'un sémillant employé dans les relations publiques. Joe Clay (Jack Lemmon) rencontre un soir de travail la belle et jeune Kirsten (Lee Remick). Il la prend pour une des bimbos qu'il a embauchées pour faire joli sur le yacht d'un riche client. En fait, elle est la secrétaire du patron de Joe. Elle se vexe et ils se quittent fâchés. Lui, complètement soûl après la soirée sur le yacht, elle, furieuse. Problème, ils doivent travailler ensemble.


Pour se faire pardonner, Joe offre une boite de pralines à Kirsten. Pas de chance, elle n'aime que le chocolat. Pour se faire une nouvelle fois pardonner pour les pralines, il lui propose d'aller boire un verre. Pas de chance également, elle ne boit jamais. Tandis qu'ils se font la tête dans l’ascenseur quand ils quittent leur travail, il lui balance deux ou trois pensées à la figure dans les allers et retours de l'ascenseur. Le ton est badin, léger avec un Jack Lemmon qui jubile dans le rôle de l'enquiquineur qui ne sait même pas flirter. Blake Edwards commence son film comme une comédie romantique entre un homme et une femme qui ne peuvent pas se supporter.


Le descente aux enfers peut commencer. Joe veut que Kirsten découvre le goût de l'alcool. Elle aime le chocolat, il va lui commander au bar une liqueur au chocolat. Et elle aime ça. Séduite par ce cocktail et la vue nocturne sur San Francisco, elle accepte de se marier avec Joe. Après une ellipse temporelle, Kirstent accouche d'une petite Debbie. Elle s'occupe de sa fille pendant que Joe travaille. Le soir, il aimerait que sa petite épouse boive un apéritif avec lui, mais elle allaite. Il la fait tellement culpabiliser qu'elle se serre un verre, avec un visage décomposé de celle qui a trompé son époux. L'alcool devient très vite le lien qui unit le couple. Et comme on dit, quand les parents boivent, les enfants trinquent.


En 1962, c'était la mode du film psychologique. Blake Edwards suit à la lettre son scénario qui dénonce les méfaits de l'alcool. Cela donne une suite de déconvenues. L'alcool épuise Joe et le rend inapte au travail. Il perd son boulot et son standing. La famille doit déménager dans un petit appartement. L'alcool coûte cher, tout l'argent passe dedans. Ils se nourrissent mal, portent des vêtements usés jusqu'à la corde. Personne ne veut embaucher Joe qui boit pour oublier. Le cercle vicieux est sans fin. Le drame se reflète sur le visage des acteurs, mines défaites, mal rasé, mal coiffée, les traits tirés. Ils sont à cran, crient pour un rien. Ça s'appelle une interprétation incarnée. La scène où Joe détruit la serre est impressionnante de violence.


Debbie passe du temps chez le père de Kirsten, un pépiniériste austère qui jugent sévérement sa fille et son gendre. Il accepte de les héberger, de les nourrir et de les faire travailler. Le démon de l'alcool l'emporte chaque fois. Le film frise parfois la psychologie de bazar « Kirsten était accro au chocolat, logiquement elle est devenue alcoolique » dit le parrain des Alcooliques Anonymes à Joe. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la série Mad Men et aux litres d'alcool que boit John Drapper. Mais aussi aux cigarettes fumées, qui elles, dans Le Jour du vin et des roses, n'étaient absolument pas nocives. Ce sujet-là, le danger de la cigarette, sera abordé plusieurs décennies plus tard.


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le 5 oct. 2015

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Jean Dorel

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