Le Jour d'après était un film que je voulais absolument voir, malgré une bande-annonce peu séduisante avec une musique oppressante. Pourtant, il s'en dégageait une sorte de magnétisme et la possibilité de me charmer par sa sécheresse narrative et visuelle. Mon irrésistible envie de me retrouver dans la salle, se transforma très rapidement en une irrésistible envie de fuir ce marivaudage tapant furieusement sur mes nerfs.


La scène d'ouverture est une douleur. Un homme mange avec appétit et fait une succession de bruits peu ragoutants en buvant sa soupe ou en mâchant la bouche ouverte. Ces sons sont comme des agressions pour mes tympans, je ne supporte pas cela et je me mets aussitôt sur la défensive. Pour ne rien arranger, une femme s'assoit face à lui, se met à le bombarder de questions et finit par lui demander s'il la trompe. Son hystérie me contrarie, surtout qu'elle ne cesse de répéter cette question, alors qu'il reste silencieux, tout en esquissant un sourire narquois en continuant de dévorer son repas. Les deux personnages ne me sont pas sympathiques, mais je comprends l'attitude de cette femme bafouée face à un homme lâche, à qui on a envie de coller une belle série de claques pour effacer sa grimace faisant office de sourire.


Les scènes de ce même style se succèdent dans une confusion chronologique, ce qui me permet de rester en alerte, tout en attendant avec impatience la fin de la séance. Le noir et blanc est magnifique, mais la réalisation est exaspérante. Les plans fixes sont amochés par des zooms pénibles, procurant le sentiment d'être devant un cinéaste amateur. Ce n'est bien évidemment pas le cas, le réalisateur Hong Sang-soo pourrait s'offusquer à juste titre de mes propos, mais je ne peux m'empêcher de m'être senti dans un mauvais film français d'auteur ou le temps semble terriblement long, alors que la pluie glisse sur la vitre et qu'une larme apparaît sur le visage d'une femme blessée, attendant le retour de l'homme qu'elle aime malgré ses mensonges et tromperies. Ce n'est pas un genre que j'affectionne, c'est en quelque sorte un cinéma d’extrême gauche, alors que les blockbusters us et les comédies françaises seraient le cinéma d’extrême droite. Je schématise, mais ni l'un et ni l'autre, ne comble mon besoin d'évasion. On peut se retrouver dans un cinéma reflétant la réalité, tout en me proposant matière à réflexion ou à être sous le charme de sa réalisation et personnages.


Le film est une immense déception. Alors que les marques défilent à l'écran : Starbucks, KFC, Jordan, Kia, Nike avec Beethoven et Mozart en fond visuel, je cherche désespérément un moyen de m'accrocher à cette oeuvre à la sécheresse rebutante. Son immobilisme et sa répétition m'agace avec toujours ce semblant de musique oppressante. Mon incapacité à me projeter dans cette atmosphère me frustre. Je me contente de me dire que le noir et blanc sublime la beauté de Kim Min-Hee, dont j'étais déjà sous le charme dans le magnifique Mademoiselle de Park Chan-Wook. Mais c'est tellement réducteur, que je m'en veux d'être aussi insipide que cette homme lâche se comportant comme un enfant, voir un bébé, en jouant avec ses femmes, en leur mentant constamment, pour échapper à sa réalité. Les questionnements de Song Areum, le déstabilise et il se sert de l'alcool pour fuir l'image qu'elle lui renvoie de lui-même. En même temps, il espère que l'alcool va la rendre plus docile et lui permettre de l'emmener ailleurs. Mais c'est une jeune femme encore meurtrie par le deuil de son père; dont elle semble faire un report sur Kim Bongwan; et se réfugiant dans le religion pour trouver un sens à sa vie . Ce sont des détails, ces petites choses qui me permettent de garder l'esprit ouvert avec un léger espoir d'être chambouler par la suite des événements.


Ce vaudeville philosophique ne va malheureusement jamais réussir à me captiver, ou du moins à m'intéresser aux digressions de ses personnages. L'homme est lâche, il n'a pas (à juste titre) le beau rôle, mais les femmes n'en sortent pas pour autant innocentes. Son comportement est déplorable, la souffrance de sa femme est douloureuse, mais celui de ses maîtresses sont tout autant désolant. La confusion de son montage est intéressant, en permettant de nous perdre un peu dans le temps et en pensant revivre la même scène alors que.... C'est le seul moment déstabilisant d'une oeuvre peu bavarde et pourtant répétitive.


L'ivresse n'est pas communicative, avec l'impression d'observer par le trou de la serrure les atermoiements d'un homme au regard fuyant face à ces femmes se disputant son attention, alors qu'il est dans l'incapacité de faire un choix et de l'assumer. On ne retient de lui que sa lâcheté et sa propension à se noyer dans l'alcool pour fuir ses responsabilités. Comme lui, j'aurais adoré avoir de quoi me permettre de m'échapper durant la séance et d'éviter d'en sortir fortement déçu. Mais je préfère vivre ma vie, en ressentant la moindre des émotions qu'elle me procure, bonne ou mauvaise, peu importe, tant que cela me permet de rester au contact de la réalité, sauf dans une salle de cinéma, mais pas face à ce film.

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le 13 juin 2017

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Laurent Doe

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