Le scénariste Francis Veber aimait à bâtir ses comédies autour d'un personnage central auquel il donnait souvent le même nom. Suivant qu'on avait affaire à un François Pignon ou à un François Perrin, on pouvait deviner la catégorie du personnage. Autant le personnage "François Pignon" était pathétique car candide confinant à la bêtise, autant le personnage "François Perrin" faisait dans la malchance, étant pris dans des situations qui le dépassaient.

Personnellement je suis plus à l'aise avec un "François Perrin" qui en général, conservera sa personnalité (son self- control) qui l'amène à réagir bien ou mal, se mettra dans des situations ubuesques mais ne sera pas sur le fond "ridicule". Je peux alors rire des situations exposées dans le film. J'oppose ainsi ce François Perrin au François Pignon du "diner de cons", par exemple, qui est un film que je n'ai jamais pu supporter.

"Le Jouet" fait partie de la bande de films scénarisés ou réalisés par Francis Veber autour d'un François Perrin.

Dans "le jouet", François Perrin, journaliste au chômage depuis trop longtemps, s'accroche à son nouvel emploi et est prêt à s'humilier pour le conserver. La honte, s'il y a honte à avoir, rejaillit sur le patron et son pouvoir de coercition, le gosse et son même type de pouvoir mais pas sur François Perrin. Tandis que dans "le diner de cons", ce sont des gens médiocres - tous aussi minables et lamentables – qui se moquent pour rigoler un bon coup – méchamment - d'un tiers qui n'a pas tous les éléments pour juger de la situation. Ça, c'est insupportable et je me trouve avoir, moi, honte d'être associé à regarder une telle saloperie.

Bon, mon instant de colère étant passé, revenons "au jouet" qui montre donc un jeune journaliste amené, par la peur du chômage, à accepter une situation de "jouet" au profit du fils pourri gâté du grand patron Rambal-Cochet du groupe industriel qui l'a embauché.

En fait, le film n'est pas si comique sur le fond et est une charge contre ces abus de pouvoir qui peuvent transformer des salariés en pantins ou en victimes. Tel, par exemple, le journaliste viré parce qu'il a les mains moites. Tel aussi, le rédac chef à qui le patron demande de se déshabiller pour "voir l'effet comique" sur le personnel du journal. Bien sûr, le trait est un peu forcé mais, par exemple, l'histoire des mains moites s'est déjà produite, parait-il…

Le scénario du "jouet" est plutôt bien ficelé car rapidement le journaliste se rend compte qu'il est loin d'être le seul à accepter tout et n'importe quoi à commencer par la propre épouse de Rambal-Cochet qui est le "jouet" de son mari. De cette prise de conscience, le journaliste va peu à peu retourner la situation à son profit. Et si cela ne lui rapporte rien au final, il aura peut-être ébranlé quelques certitudes et aura surtout retrouvé sa dignité.

Le rôle du journaliste est tenu par Pierre Richard qui pousse son personnage vers le burlesque tout en conservant une gravité qui va peu à peu l'amener à prendre de l'ascendant sur l'affreux jojo dont il va découvrir la faiblesse.

Le personnage cynique, sans scrupule, dur du grand patron Rambal -Cochet est superbement interprété par Michel Bouquet qui, en première approche, laisse tout faire à son fils qu'il gâte de façon éhontée. En deuxième approche, on découvrira qu'il est plus facile de payer tout et n'importe quoi plutôt que de s'occuper réellement du gosse.

Toute une galerie de personnages de second-rôles accompagne efficacement le film comme Jacques François (le rédac chef), Gérard Jugnot (le journaliste aux mains moites), Michel Aumont (le patron du magasin de jouets), Daniel Ceccaldi (le propriétaire d'une maison convoitée par Rambal Cochet), Michel Robin (le majordome tyrannisé) …

Le film reste intéressant par sa charge sociale en des temps où le chômage de masse pointait son nez en sortie des "trente glorieuses".

Ma seule réticence sur ce film concerne la chute finale qui ne m'a convaincu que partiellement et que j'aurais préféré un peu plus mordante ou féroce…



JeanG55
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le 10 juil. 2022

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JeanG55

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