La police est au service du citoyen… ?

(1973. FR : Le Grand Kidnapping. ITA : La Polizia Sta A Guardare (La Police Regarde). ENG: The Great Kidnapping.
Vu en VF... grand merci à la Cinémathèque du Bis! Film que je voulais voir depuis fort longtemps, notamment grâce à sa B.O. et son sujet.)

Années 1970, une petite ville, non loin de Milan, subit une vague de kidnappings concernant les enfants des familles les plus riches de la région. Les familles paient, les otages sont libérés, la police regarde (voir le titre original) tout comme la justice...et les rapts reprennent encore et encore. Sans doute lassé de ce rôle de spectateur, la commissaire Jovine (Lee J. Cobb) présente sa démission et Cardone (Enrico Maria Salerno https://www.senscritique.com/liste/Mes_acteurs_fetiches_Vol_20_Enrico_Maria_Salerno/2881275) le remplace. Intransigeant, le nouveau commissaire ne laisse place à aucune négociation avec la délinquance...quitte à mettre en danger la vie de ses concitoyens. Ce que lui rappelle fermement le procureur (Jean Sorel), qui préfère voir les criminels courir plutôt que d'enterrer les corps d'otages. Mais Cardone ne peut s'y résoudre, suspectant que l'argent des rançons puisse servir à financer des attentats ou un coup d’État. Mais en faisant face à cette organisation, le policier met en danger sa vie ainsi que celle de son fils, Massimo (Giambattista Salerno, le propre fils d'Enrico)...
Lorsque Roberto Infascelli réalise en 1973 ce La Polizia Sta A Guardare, il s'agit de son deuxième et dernier film. Un fait bien dommageable tant il maîtrise ici son sujet, nous surprenant régulièrement par un ton ironique et le jusqu'au boutisme de son commissaire, instillant peu à peu une belle tension et interrogeant, pas toujours finement certes, la société italienne dans son ensemble : l'hypocrisie des notables et l'opportunisme des avocats (Cardone va même jusqu'à accuser un père de blanchir de l'argent via la rançon!), la corruption et la lassitude de la Police, l'aveuglement de la Justice...Comme dans nombre de poliziottesco, la paranoïa et le complotisme s'installent dans notre esprit comme dans celui du commissaire Cardone. Pour rendre hommage à deux autres très bons polars italiens de l'époque, ajoutons que si La Police Est Au Service Du Citoyen (de Romolo Guerrieri en 1973, avec Salerno déjà) il est clair aussi qu'elle (La Police) A Les Mains Liées (de Luciano Ercoli en 1975).
Si Infascelli réalisa peu, il produisit, notamment, quelques très bons polars comme La Polizia Ringrazia de Steno en 1972, avec encore Salerno, ou La Polizia Chiede Aiuto (La Lame Infernale) de Massimo Dallamano en 1974. Deux films dénonciateurs eux aussi, le premier s'intéressant à des polices parallèles quasi des milices, et le second au trafic d'esclaves sexuelles au profit des notables...
Enrico Maria Salerno, comme dans les films cités ci-dessus, est parfait en flic intègre, intransigeant, sorte de fonctionnaire modèle, chevalier mettant toute son énergie au service de sa cause. Personnage tragique s'il en est, les pellicules de l'époque dégageant souvent un sentiment amer, « happy end » ou pas. Il est ici très bien accompagné par Lee J. Cobb qui apporte une plus-value au métrage comme dans La Mafia Fait La Loi de Damiani. Son personnage de sombre commissaire démissionnaire ne croyant plus en sa mission ajoute une pierre de plus à la peu ragoûteuse description des institutions faite par Infascelli.
Le ptit' français de l'étape, Jean Sorel (Je Suis Vivant, Le Venin De La Peur, Perversion Story...), s'en sort bien en procureur dont on ne sait quoi penser...Comme dans nombre de films de l'époque, les représentants de la Justice sont au mieux incompétents, au pire corrompus... D'ailleurs, son duo avec l'avocat Sampieri, joué par le toujours ambigu Claudio Gora (https://www.senscritique.com/liste/Mes_acteurs_fetiches_Vol_12_Claudio_Gora/2874296), pose beaucoup de questions... Enfin, notons les belles interprétations de Lucianna Paluzzi (Opération Tonnerre, L'Accusé, La Mala Ordina...), Ezio Sancrotti (Rue De La Violence, Il Maestro De Vigevano) en adjoint de Cardone ou encore la craquante Laura Belli (La Rançon De La Peur, La Polizia Ringrazia...).
Enfin, Stelvio Cipriani (https://www.senscritique.com/liste/Parce_qu_il_n_y_a_pas_que_Ennio_Vol_2_Stelvio_Cipriani/2853661) nous livre ici une excellente composition musicale (reprise par Tarantino, comme c'est étrange...), bien que pas toujours bien exploitée. Ses thèmes rejoignent fortement ceux utilisés sur La Lame Infernale et La Polizia Ringrazia, une ressemblance de plus entre ces films que je ne peux que vous recommander !
La B.O. : https://www.youtube.com/playlist?list=PLDmdF1ma6cZpGwtU5wX5FlcsEpDk8gFdZ

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le 29 nov. 2020

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