Les habitués du style Sorkin ne seront pas surpris, les autres doivent le savoir : les films qu’il a écrits et qui lui doivent tant sont réputés pour leur bavardage et la densité des répliques des protagonistes. La parole est partout chez Sorkin, dans le champ, hors champ avec une voix off omniprésente. Le grand jeu ne déroge pas à la règle et s’inscrit dans la lignée du travail du scénariste.
Cela étant dit, ne craignez pas de voir dans Le grand jeu une conversation de joueurs de poker attablés pendant des heures. Il n’en est rien : la première réalisation de Sorkin n’a rien de classique et prend des partis pris indéniables dans sa mise en scène. Cette dernière, nerveuse, rythmée et bien montée rappelle parfois un Steven Soderbergh ou un Danny Boyle.
Il faut voir la scène d’introduction où le spectateur est le témoin d’une avalanche d’infos en tout genre sur la descente réussie d’une skieuse. L’auteur s’approprie à merveille le personnage de Molly Bloom, la princesse du poker, cette jeune fille venue de nulle part qui se transcende en animatrice de cercles où les millions sont flambés, qui côtoient d’autres protagonistes tout aussi plus grands que nature qu’elle. Jessica Chastain crève littéralement l’écran dans le rôle de cette « louve de Los Angeles ». Elle est le grain de sable dans cet univers hypermasculin où elle tente de prendre le pouvoir. Notons les performances efficaces d’Idris Elba en avocat protecteur, oscillant entre l’arrogance et la séduction, Kevin Costner en père absent et autoritaire, et Michael Cera, joueur de poker ambigu et froid.
On ne s’ennuie pas une seconde devant ce biopic haletant. Aaron Sorkin fait tapis et rafle la mise.