Dans leurs films, Les Charlots n'avaient de cesse de défendre le petit contre le gros, le faible contre le puissant. Dans Le Grand bazar, ils s'en vont aider leur ami épicier (Michel Galabru) menacé de faillite suite à l'implantation d'un supermarché dirigé par Michel Serrault.


D'ailleurs, la disparition des petits commerces à cause de la grande distribution est toujours d'actualité aujourd'hui alors que Le Grand bazar date de 1973 ! Les Charlots étaient-ils finalement des visionnaires ? Allez savoir.


Critique de la montée des hypermarchés s'implantant en France depuis la fin des années 60 et instaurant la consommation de masse et critique aussi du chômage galopant dû à la fin des trente Glorieuses alors que Giscard n'est même pas encore au pouvoir. Dès le début du film, Les Charlots se font virer de leur usine de fabrication de tondeuses, parce qu'ils s'évertuaient à construire des motos, et se demandent si, dans leur cité, ils vont retrouver du travail. Là encore, rien n'a fondamentalement changé. On avait déjà ces barres d'immeubles dégueulasses au début des années 70.


Cela dit, Le Grand bazar n'est pas non plus un documentaire de son époque. Ce n'est pas un reportage sur le début du déclin de la France. C'est du Claude Zidi aidé par Georges Beller et Michel Fabre au scénario. Ainsi, on voit les Charlots se réveiller le matin les uns les autres en sautant d'immeubles en immeubles et couper leur saucisson du casse-croûte au boulot grâce à la lame de leur tondeuse. On voit également un patron payer le champagne à leurs ouvriers après les avoir virés, un bar servir de garage à moto, un balayeur danser dans la rue, un agent immobilier détruire complètement un appartement qu'il était en train de faire visiter à un Coluche médusé (faut dire que l'humour de Coluche, plus verbal, n'était pas du tout le même que celui des Charlots qui était vraiment, lui, un comique de situation) un agent de sécurité patrouiller dans le magasin affublé d'une tête de vache, des courses-poursuites en moto ou dans le supermarché dignes d'un épisode de Benny Hill. La fin est assez ironique voire même sombre : Galabru, avec l'argent de la vente de son épicerie, décide de rentrer dans son village natal pour y construire un supermarché à la place de l'épicerie, les Charlots, qui ont monté un hangar de construction de motos, connaissent le même sort que Galabru au début. Triste constat pour dire qu'au fond peu importe les individus : tout est une question de pognon.


A une époque où la comédie populaire battait son plein (De Funès, Oury d'un côté, Philippe Clair, Claude Zidi et Les Charlots dans un registre plus franchouillard de l'autre) et dans une France qui commençait sérieusement à s'urbaniser, à déserter les campagnes, à se déshumaniser, Le Grand bazar avec ses gags cartoons tombant à plat une fois sur deux, ses excellents seconds rôles (les deux Michel Galabru et Serrault mais aussi Jacques Seiler, Roger Carel en commissaire-priseur) et son petit message social est une comédie de son temps.


Dézinguée par la critique, une constante chez les Charlots, mais plébiscitée par le public qui devait rire de bon cœur devant les facéties de ces grands dadais avant tout excellent musiciens. Quatre millions de spectateurs. Ça m'interpelle sur le phénomène qu'ils devaient être à l'époque.

Incertitudes
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le 7 avr. 2015

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