Revenant au genre du chambara après le contemporain Les salauds dorment en paix, le cinéaste Akira Kurosawa allait justement le propulser vers d'autres horizons, se servant de diverses influences pour enrichir son nouveau film, Yojimbo.


Fortement influencé par les écrits de Dashiell Hammet, le scénario écrit par Kurosawa et Ryuzo Kikushima permet ainsi de faire muter les origines orientales du projet en une entité légèrement différente, plus occidentale. De pur chambara, Yojimbo en devient un véritable western crépusculaire, empruntant au film noir sans pourtant renier ses racines japonaises.


Multipliant les ruptures de ton, Yojimbo joue sans cesse avec les codes des différents genres dont il s'inspire, tourne en dérision ses figures attendues et ses personnages corrompus tout en conservant la violence explosive et meurtrière de l'époque qu'il décrit. Si l'on rit plus d'une fois devant la maladresse et la couardise des protagonistes les plus vils et cupides, Kurosawa nous rappelle sans cesse que la situation, elle, ne prête absolument pas à rire.


Pointant du doigt toute corruption et se mettant du côté des plus justes, le cinéaste réussit une fable tout à la fois exaltante, drôle et émouvante, apportant une véritable humanité à son récit et magnifiant son anti-héros incarné avec une classe folle par Toshiro Mifune, tout en évitant d'en faire une figure purement héroïque et invincible. Ses failles sont au contraire bien présentes, renforcées par le talent incroyable du comédien, parfaitement secondé par des acteurs talentueux comme Tatsuya Nakadai.


Exploitant judicieusement ses décors presque fantomatiques, Akira Kurosawa utilise magistralement son cadre, instaurant une ambiance mortifère absolument sublime, jusqu'à un climax tout simplement parfait. Une atmosphère désenchantée parfaitement retranscrite par le travail sonore de Masaru Sato, composant une musique entêtante et presque expérimentale.


Une nouvelle fois, Kurosawa s'attaque à un genre extrêmement codifié pour en faire quelque chose de singulier, pour accoucher d'une oeuvre fascinante et hypnotique, jonglant avec l'humour et le drame avec une maestria franchement bluffante. Un certain Sergio Leone sera visiblement marqué par l'expérience et donnera naissance à une célèbre relecture quelques années plus tard à travers son mythique Homme sans nom.

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le 6 juin 2016

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Gand-Alf

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